« On peut pas être gentil tout le temps »

 

Considérées en elles-mêmes, les personnes et leurs actions, pour Musil, ne sont donc que potentiellement bonnes ou mauvaises, elles ne contiennent le bien et le mal que sous des formes de possibilités et non de réalités. Ce qui compte est bien moins ce qu’un individu fait, que ce qui peut être ou ne pas être fait de ce qu’il fait. Et c’est en ce sens-là que l’on peut considérer le mal comme étant peut-être simplement quelque chose que l’on a pas encore réussi à transformer en bien ou, plus modestement, dont on n’a pas encore réussi à tirer un bien quelconque. Une question qui est au centre des discussions du frère et de la sœur sur le « mauvais bien » et le « bon mal » est celle de savoir pourquoi le bien est généralement si peu attirant et si peu créateur, alors que le mal est, au contraire, presque toujours aussi excitant et aussi productif. L’explication réside sans doute dans le pressentiment que l’on a que les différentes espèces du mal, officiellement réprouvées, contiennent néanmoins vraisemblablement plus de possibilités inexploitées que les formes consacrées et conventionnelles du bien.

Jacques Bouveresse : L’Homme probable

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