Ciel hasard

 

Source : Robert Musil, l’homme probable, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’Histoire, par Jacques Bouveresse, éditions de l’Éclat, collection Tiré à part, relecture en cours 2013-2023.

Ce qu’on appelle la théorie du hasard est avant tout une théorie des régularités statistiques observables et on peut se dispenser de fournir une explication convaincante de ce en quoi consiste le caractère fortuit d’un événement isolé, considéré indépendamment de son appartenance à une totalité déterminée.

D’autre part, lorsque les conditions qui permettent de traiter come des événements fortuits les constituants de la totalité sont remplies, on peut constater que ceux-ci, lorsqu’ils sont considérés non plus individuellement, mais dans leur ensemble, ont la propriété de se neutraliser réciproquement et d’entraîner une sorte d’autosuppression de la contribution, que l’on pourrait croire essentielle, du hasard.

Il est à peine exagéré de dire que la théorie du hasard s’occupe de la manière dont le hasard s’élimine, et non de celle dont il agit. Wundt avait, du reste, suggéré que le hasard est en quelque sorte par définition ce qui s’élimine : « Au sens le plus strict, seule la partie d’une fluctuation individuelle qui se prête à l’élimination compte comme hasard. Les déviations fortuites sont soustraites à tout examen causal.

Car, étant donné que nous ne pouvons inférer les causes qu’à partir de leurs effets et les mesurer sur eux, les causes dont les effets se compensent en permanence sont impossibles à explorer ; heureusement, elles n’ont pas non plus besoin, précisément à cause de cette compensation, d’être étudiées.

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