Il avait un art profond de préluder à un récit, ou de
le couper aux endroits palpitants, par des artifices de fumeur.
— Tu te rappelles Crabb, dit-il, du moins de
nom : il était correspondant à L’Empress, au moment où Steevens, le chef
de l’information devint fou. Il reçut de celui-ci la mission d’aller faire un
papier sur l’enfer. Crabb partit et revint au bout de deux ans, méconnaissable,
un masque de Gorgone sur la face, il prétendait avoir accompli sa mission. Mais
Stevens était alors dans un sanatorium confortable et non dans un fétide bureau
de rédaction. Crabb alla lui rendre visite et il paraît qu’il trouva
l’établissement si fort à son goût qu’il n’en sortit plus. L’article de Crabb
sur le monde des ténèbres infinies ne parut jamais.
— Ça, dis-je, c’est le côté humoristique de
l’épouvante, il n’y a rien de plus amusant qu’un fou, n’est-il pas vrai ?
Jean Ray : La Croisière des ombres
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