Les Vieux-Croyants ont peuplé toute la Sibérie et tout
l’Extrême-Orient russe ; on les pourchassait, et eux-mêmes étaient prêts à
aller toujours plus loin, à l’abri de la persécution. Une fois installés, on
les chassait et on établissait à leur place des colons orthodoxes, bien moins
rudes au travail qu’eux. Léon Poliakov les a comparés aux protestants en
Occident. Dans tous les musées d’ethnographie de la région, il y a toujours une
section qui leur est consacrée. L’édit impérial de 1860 qui a légalisé leur
émigration vers l’Est de l’Empire a joué un grand rôle pour ces immenses
espaces toujours en attente d’un peuplement nouveau. Une légende voulait que le
royaume de la Justice fût à l’Est, dans le Bielovodié, ou Royaume blanc. Une
autre parlait du royaume d’Oponié, le Japon, et les pieux moujiks partaient
vers l’utopie avec femmes et enfants toujours sobres, toujours excellents
charpentiers et bâtisseurs. Leurs colonies sont toujours là, conduites par des
vieillards aux longues barbes ; toutefois, leur long chemin de la Russie
centrale vers la Province maritime est maintenant achevé et leurs communautés
se délitent. L’absence des popes, dans la plupart de leurs obédiences, leur
donne peu de résistance aujourd’hui, face aux protestants de toutes
appellations qui s’emparent des esprits et sont plus nombreux que les Orthodoxes
pratiquants, cependant que la scientologie viendrait en troisième place. La
Sibérie a toujours été un lieu de prédilection pour les sectes.
Georges Nivat : Les Trois âges russes
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