« Chez Dostoïevski, le pouvoir romanesque des
dialogues, réticents, allusifs, indirects, jamais explicites, consiste presque
entièrement dans l’énorme énergie cinétique dont ils rechargent l’énergie du
lecteur, alors que le roman panoramique et détendu de Tolstoï, dont les mérites
sont ailleurs, et presque tous de l’ordre immédiat de la nature, n’en ménage et
n’en accumule presque aucune. » On sait que Julien Gracq a critiqué ou
plutôt limité l’attrait de Proust à une série de remémoration de leur passé par
les personnages, qui seraient en sommes des imago d’eux-mêmes qui n’auraient
pas l’attribut essentiel de la vie, attribut si difficile à conférer, donner du
futur à un personnage qui est déjà fabriqué, puisque le roman est déjà fait
quand nous le lisons. Nul doute que pour Gracq, Dostoïevski savait donner du
futur à ses personnages, un futur maladif, hoquetant, mais un futur avec toute
la dose nécessaire d’imprévisibilité.
Georges Nivat : Les Trois âges russes
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