« Je ne parle pas aux Belges, ça les instruit »

 

Maurice Blanchot a souligné que si Sade a pu « se reconnaître » dans la Révolution, c’est « dans la mesure seulement où, passage d’une loi à l’autre, elle a pendant quelque temps représenté la possibilité d’un régime sans loi. » Il faut pourtant observer que la liberté de Sade entre 1790 et 1801, précédée par douze années de prison, et suivie par treize autres, ne coïncide pas avec sa période de productivité maximum, laquelle se place justement dans les années de réclusion, mais avec celle de mise en circulation éditoriale de ses textes. Conçus dans les profondeurs des prisons et mis au jour par le caprice d’un auteur qui, dans les cas les plus brûlants (Histoire de Juliette, en l’occurrence) nie sa propre auctoralité, ces écrits sont paradoxalement et essentiellement illisibles. Non seulement parce que le récit est « impur » ou certains passages « déplaisants », ainsi que Sade le dit lui-même, mais aussi parce que la lettre écrite est comme un instrument de torture dirigé contre le lecteur. À l’instar de certaines planches de Goya qui « ne peuvent pas se regarder, certains passages de Sade « ne peuvent pas se lire. » Le texte sadien est violent et carnavalesque dans la mesure où il agresse le lecteur et renverse l’idée même de littérature.

Victor I. Stoichita et Anna-Maria Coderch

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