Clairwil

 

Jamais elle n’avait eu d’enfants : elle les détestait, sorte de petite dureté qui, dans une femme, prouve toujours l’insensibilité : aussi pouvait-on assurer que celle de Madame de Clairwil était à son comble. Elle se flattait de n’avoir jamais versé une larme, de ne s’être jamais attendrie sur le sort des malheureux. « Mon âme est impassible, disait-elle ; je défie aucun sentiment de l’atteindre, excepté celui du plaisir. Je suis maîtresse des affections de cette âme, de ses désirs, de ses mouvements ; chez moi, tout est aux ordres de ma tête ; et c’est ce qu’il y a de pis, car cette tête est bien détestable. Mais je ne m’en plains pas : j’aime mes vices, j’abhorre la vertu ; je suis l’ennemie jurée de toutes les religions, de tous les dieux, je ne crains ni les maux de la vie, ni les suites de la mort et quand on me ressemble, on est heureux.

Sade : Histoire de Juliette 

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