Source : Léon Bloy, l’impatient par Albert Béguin, éditions Egloff (vintage 1944), relecture 2017-2023.
C’est pourquoi Bloy disait si singulièrement que les
Juifs ont raison d’attendre leur Messie. Non pas, selon lui, qu’il faille les
approuver de n’avoir pas reconnu le Christ, mais, persuadés qu’il est encore à
venir, ils ignorent que leur espérance est tournée en réalité vers le
Saint-Esprit.
Ce n’est pas la venue du Messie qui est attendue et
annoncée ainsi, comme ils s’obstinent à le croire dans leur aveuglement. C’est
l’accomplissement final de la Rédemption par le triomphe du Saint-Esprit qui,
depuis la Pentecôte, erre vagabond sur la terre, mendiant éternel, réduit à
gémir, condamné à être un implorant par le refus des hommes, et en particulier
par l’infidélité juive. Cette interprétation, cette image, touche à l’un des
points les plus délicats du message de Bloy.
On a voulu y voir, malgré ses protestations réitérées,
l’annonce d’une nouvelle incarnation, d’un « troisième âge »
terrestre inauguré par la prise de chair de la Troisième personne de la Trinité
et il faut avouer que certaines expressions de Bloy, dans leur hardiesse et
leur difficile symbolisme, pouvaient suggérer quelque chose d’approchant. En
réalité, il a recouru à ces termes, qui ne prêtent à équivoque que si on les
isole de l’ensemble de leurs écrits, pour tenter de mieux exprimer la stupeur
qui s’empare de l’esprit quand il s’efforce d’imaginer d’inimaginable Fin des
temps.
Aucun mot des langages terrestres ne peut y suffire, et une fois encore le mystère le plus profond ne peut qu’être indiqué par des images qui ne le désignent pas en lui-même, mais qui provoquent un peu de cet Étonnement qu’il suscitera quand il éclatera à tous les yeux.
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