« Shiqqoutsim meschomem »

Source : L’interminable fin du monde par David Hamidovic, éditions du Cerf, collection Lire la Bible, relecture 2016-2023.

L’émergence de l’apocalyptique et de sa littérature (apocalypses et autres récits) se comprend dans les sociétés méditerranéennes orientales de l’Antiquité comme une manifestation de changement de société. Ce changement s’accompagne de quelques événements majeurs comme la profanation du temple de Jérusalem par le souverain Séleucide Antiochos IV (167-164) ou la destruction du même Temple en 70 de notre ère sous les coups de la légion romaine.

Ces événements ne font qu’accélérer le processus de changements de repères de la société et donc, ils accompagnent la mutation de celle-ci. Dans cette région du monde, la lente propagation des idées et du mode de vie hellénistiques débute plusieurs siècles auparavant, sans qu’on puisse donner un événement déclencheur précis, mais au début du IIe siècle avant notre ère, des milieux de scribes et de prêtres, mais pas tous, ne peuvent plus accepter la fin du monde dans lequel ils sont nés, dans lequel ils ont vécu à l’instar de leurs ancêtres.

Il est probable que la prise de contrôle politique du Proche-Orient ancien par les généraux successeurs d’Alexandre le Grand à la fin du quatrième siècle est peu à peu ressentie comme une emprise croissante dans différents domaines de la société et qu’un fort ressentiment se développe alors avec pour point d’orgue la fin du troisième siècle et le début du deuxième siècle avant notre ère. La politique des souverains séleucides sur toute la région semble se radicaliser : ils mettent en place les conditions d’une hellénisation forcée, donc plus visible, et non plus rampante. 

Ce choix politique, qui est repris par les Romains à partir du premier siècle avant notre ère, correspond probablement à des tentatives pour mieux contrôler, pensait-on, les habitants et non plus simplement la région. Il est possible qu’on s’imagine des populations locales plus faciles alors à administrer. Certains savants ont vu dans ce moment la manifestation d’une incompréhension, voulue ou non, de l’autre plutôt qu’un véritable projet politique à long terme.

Une telle politique se traduit dans les milieux de prêtres et de scribes les plus compétents, ceux qui prétendent avoir accès aux secrets du monde divin, par l’émergence d’une nouvelle littérature expliquant les tenants et les aboutissants de la révélation des secrets divins. Ainsi, ces milieux de sagesse mantique relisent les paroles divines révélées et les interprètent.

Les interprétations issues du monde céleste ou du monde présent trouvent alors une explication, particulièrement la délicate question de la présence du mal sur terre alors que Dieu ou les dieux sont dits omnipotents et omniprésents. Dépassant les contingences de leur monde, ces groupes sociaux préconisent la manière de continuer à vivre après la mort.

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