« La terre vaincue nous donnera les étoiles »

 

Source : Ossip Mandelstam, chanter jusqu’au bout, biographie par Jean-Luc Despax, éditions Aden, collection Le Cercle des poètes disparus, dirigée par Robert Bréchon

Goumilov disait que chaque poète a sa propre relation aux étoiles. La Terre est une prison et pour s’en libérer, l’homme doit trouver l’issue de la mort vers le monde des étoiles. Sa place véritable est dans le monde astral, en termes gnostiques. Aux antipodes donc, du paradis sur terre ! Le monde matériel n’est jamais qu’immatériel. Pour retourner chez le Père, il faut passer parfois par la réincarnation. Les poteaux de feu permettent de quitter le désert et d’atteindre « l’Hypermonde », de retourner à l’Éden.

Peut-être un jour, d’ailleurs, la terre réintégrera-t-elle l’Hypermonde. L’existence se passe donc à découvrir son absence de valeur. L’avenir peut ramener le passé édénique à un niveau sublimé et c’est pourquoi de toute manière le présent ne mérite que d’être méprisé. Les soldats qui ont appuyé sur la gâchette et avant eux, les juges qui lui ont craché leur mépris au visage, ont donc mis un certain zèle à lui donner l’occasion d’aller vérifier ses théories esthétiques qu’ils ne connaissaient pas…

Ossip Mandelstam n’avait pas encore saisi que l’État recruterait ses propres zélateurs. Quant aux créateurs refusant de se laisser inféoder, tous les originaux se dissipant comme graines folles dans les jungles de Pétersbourg dévastée, ils seraient éliminés. Mandelstam vient de le comprendre en apprenant la mort de Goumilov. Il a compris qu’il existe une liste, de moins en moins virtuelle, d’hommes à abattre et qu’il y occupe une place.

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