« Je viens bientôt »

 

Emblème de l’épouvante, l’Ange est saisi pour l’éternité dans un geste d’horreur : « Ses yeux sont écarquillés, sa bouche est ouverte et ses ailes sont déployées. » Ce présent est à l’opposé de celui du renouvellement et de l’invention ; c’est le présent, de cette catastrophe toujours recommencée dans laquelle le temps s’abîme lorsqu’il cesse de produire du nouveau, l’Ange figure le côté sombre de toute re-présentation : « une seule et même catastrophe qui ne cesse d’amonceler ruines sur ruines. » S’il est vrai que la tempête maléfique soufflant depuis les origines du temps chasse l’Ange vers un avenir qui l’épouvante, il ne s’agit pas là d’un épisode déjà passé de l’histoire mystique de l’humanité ; comme dans l’aphorisme de Kafka selon lequel Adam et Ève, continuent, chaque jour de nouveau d’être chassés du Paradis, l’Ange de l’Histoire set prisonnier d’une éternelle catastrophe, d’une perversion irrémédiable du temps, condamné à la répétition indéfinie de la même tragédie : « Mais du Paradis souffle une tempête qui l’emporte irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que les décombres, devant lui, s’accumulent et montent jusqu’au ciel. »

Stéphane Mosès : L’Ange de l’Histoire

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