Source : L’Ange de l’Histoire, Rosenzweig, Benjamin, Scholem, par Stéphane Mosès, éditions Gallimard, collection Tel, relecture 2008-2023
Dans son essai sur Le Pouvoir mimétique (1933),
Benjamin avait expliqué les pratiques magiques comme des applications d’une
vision symbolique du cosmos, perçu comme un texte dont il s’agissait de
déchiffrer les analogies secrètes.
Dans le cas de la divination, il importait avant tout
de décrypter, en fonction d’un code bien précis, les signes qui, dans une
situation donnée, annoncent une situation à venir. De la même façon, la
remémoration déchiffre dans le présent les traces que le passé y a
laissées : car « l’histoire est pareille à un texte dans lequel le
passé a déposé des images comme sur une plaque sensible à la lumière. Seul
l’avenir dispose de réactifs assez puissants pour faire apparaître cette image
dans tous ses détails. »
Mais, par-delà cette référence commune à l’expérience
de l’actualisation du temps, il y a, entre la divination et la remémoration,
une différence fondamentale. La première postule en effet l’existence d’un lien
nécessaire entre le passé et le futur : nécessité qui n’est certes pas
celle de la causalité, donc, du déterminisme, mais celle de l’analogie,
c’est-à-dire du destin. Si le présent contient en lui l’image vraie de
l’avenir, ce n’est pas parce que aujourd’hui est la cause dont demain sera
l’effet, mais parce que les fores secrètement groupées dans la constellation
présente sont la préfiguration virtuelle de celles qui se manifesteront dans
telle ou telle constellation future.
Ce qui unit le présent au futur est un processus de passage de la puissance à l’acte, fondé sur le principe d’une identité de structure entre les différents moments du temps. Ce qui sera demain n’est que l’explication de ce qui se trouve déjà, invisible au profane, dans l’ordre des choses d’aujourd’hui. D’où le caractère inévitable de ce qui doit se produire ; nécessité non pas externe, comme celle qu’exprime la causalité, mais interne, qui explique que rien ne peut s’opposer au destin.
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