Femme pauvre

 

Tout le roman de La Femme pauvre est construit dans la richesse cohérente de ses symboles sur l’idée de la douleur salvatrice parce qu’elle « appartient au monde invisible » et qu’elle ravive le souvenir du Jardin perdu ; et en même temps parce qu’elle fait exister dans les âmes les liens d’universelle communion qui sont leur essence même. Des relations complexes et mystérieuses, longtemps cachées, se tissent entre tous les personnages, et chacun des événements de cet extraordinaire roman est littéralement suscité par le jeu tout-puissant de la réversibilité des peines et des joies, jusqu’au prodigieux épilogue, où l’on voit la mort de Léopold dans les flammes, déjà secrètement liée au sort de sa pire ennemi et à l’agonie du pauvre Villiers de l’Isle-Adam, coïncider encore avec « l’incendie de l’holocauste spirituel » qui consume Clotilde à la même heure pour faire d’elle, désormais, cette âme vraiment pauvre, mise en possession de la Vie parce qu’elle assume totalement la misère. Et c’est encore le « mal d’exil » qu’exprime sa suprême parole : « Il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints. »

Albert Béguin : Léon Bloy, l’impatient

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