Ses journaux et ses lettres, les pages datées de ses
autres œuvres permettent de faire une curieuse constatation. Avec une régularité
qui ne laisse place qu’à de rares exceptions, d’année en année, c’est à
l’époque de Pâques qu’il atteint au pire abîme de misère ; de misère
extérieure, apparemment accidentelle, et de sécheresse ou de désolation de
l’âme. Et c’est dans les mois d’été que se rallume en lui la
« fournaise » de l’adoration, qu’il écrit aussi, en quelques
semaines, l’un des grands livres qui mûrissaient depuis longtemps, et dont la
rédaction est toujours précédée d’un apparent oubli de plusieurs mois. Ainsi, Le
Salut par les Juifs, en 1892 ; Jeanne d’Arc en 1914, les Méditations
d’un Solitaire en 1916, et Dans les Ténèbres à la veille de sa mort.
Puis, après les fêtes des « deux Bonnes Dames », comme on dit à la
campagne, une fois passé le jour de Notre-Dame des Sept Douleurs, c’est la
tristesse plus atténuée des approches de Noël. Il se trouvera certainement quelqu’un,
un psychologue, ou un disciple attardé de Taine pour attribuer à un tempérament
sudiste, mâtiné d’espagnol, une exceptionnelle sensibilité au soleil et aux
saisons qui paraîtrait expliquer les ardeurs intérieures de juin et juillet.
Albert Béguin : Léon Bloy, l’impatient
Commentaires
Enregistrer un commentaire