Source : L’Ange de l’Histoire, Rosenzweig, Benjamin, Scholem, par Stéphane Mosès, éditions Gallimard, collection Tel, relecture 2008-2023
Ange nouveau : cet ange symbolise l’intuition
centrale de la philosophie de l’Histoire de Benjamin : « La Kabbale
raconte que Dieu crée à chaque seconde une foule d’Anges nouveaux, et que
chacun d’eux n’a qu’une seule et unique fonction : chanter un instant la
louange de Dieu devant son trône avant de se dissoudre dans le néant. Ce fut
comme l’un d’entre eux que l’Ange nouveau se présenta à moi, avant de consentir
à me révéler son nom. »
Le sens de l’Histoire ne se dévoile pas dans le
processus de son évolution, mais dans les ruptures de sa continuité apparente,
dans ses failles et ses accidents, là où le soudain surgissement de
l’imprévisible vient en interrompre le cours et révèle ainsi, en un éclair, un
fragment de vérité originelle. Au cœur du présent, l’expérience la plus
radicalement nouvelle nous transporte ainsi, en même temps, jusque vers
l’origine la plus immémoriale. Expérience fulgurante où le temps se désintègre
et s’accomplit à la fois : « Ce que l’Ange veut, c’est le bonheur :
tension où s’opposent l’extase de l’unique du nouveau, de ce qui n’avait jamais
été connu, et cette autre félicité, celle du recommencement, des retrouvailles,
du déjà-vécu. »
Cette rupture unique du tissu temporel se vit à la fois comme une anamnèse, comme une reconnaissance des harmoniques originelles du langage et comme l’expérience vertigineuse d’un amour auratique : « C’est pourquoi la seule nouvelle que [l’Ange] puisse espérer passe par le chemin du retour, lorsqu’il entraîne de nouveau un être humain avec lui. Ainsi pour moi : à peine t’avais-je vue pour la première fois que je retournai avec toi vers le lieu d’où j’étais venu. »
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