« Sans la peine de mort, est-ce la peine de vivre ? »

 

Source : Joseph de Maistre, prophète du passé, historien de l’avenir, par C.-J. Gignoux, collections itinéraires, Nouvelles Éditions Latines, relecture dix ans plus tard.

On voyait processionner quatre fois par an dans la ville les membres de cette Association, revêtus d’une cagoule noire dont le capuchon portait deux trous pour les yeux, et psalmodiant les versets d’un chapelet grossier.

Mais, le reste du temps, les Pénitents, qui s’engageaient à mener une vie chrétienne, s’occupaient aussi à conduire les malades, dans les hôpitaux, les morts au cimetière, et, en cas de condamnation capitale, il état de leur état de réconforter les criminels, de prier avec eux, et de les mener à l’échafaud. Nous devons à cette circonstance la place relativement importante qu’occupe dans l’œuvre du ci-devant Pénitent noir, le personnage du bourreau : une description du supplice de la roue figure dans les Lettres d’un royaliste savoisien, et dans les Soirées de Saint-Pétersbourg. Si l’on peut douter que le spectacle des exécutions capitales soit le complément nécessaire d’une bonne éducation, il faut dire que Maistre ne fut jamais le témoin des horreurs qu’il décrit.

Les recherches d’érudits savoyards nous en donnent l’assurance : tout d’abord, si à Chambéry comme ailleurs, les criminels étaient en principe roués, en fait le Sénat les condamnait le plus souvent possible à la pendaison : de 1726 à 1790, il y eut ainsi cinq roués et vingt-cinq pendaisons, la moyenne étant d’une exécution tous les deux ans : encore était-il d’usage de tuer discrètement le condamné avant de lui rompre les os sur la roue. Le bourreau savoyard n’était donc qu’un fonctionnaire fort peu occupé, soucieux avant toutes choses de son jardin, et de l’entretien de sa maison, dont la toiture laissait à désirer, car, expliquait-il dans un mémoire au Sénat, « quand il pleut il en est de même comme dans la rue. » 

Ce personnage qu’a connu Maistre, et qui, dénué de prétention, s’appelait Martin, n’était évidemment pas le monstre maudit et sacré, terré dans sa bauge, qu’évoquera un jour la métaphysique maistrienne par une de ces extrapolations hardies dont il lui arrive d’user.

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