Il faudra un jour revenir sur la violence
imprescriptible que Sade fait subir à la féminité en choisissant justement sa
forme pour dénier son essence procréatrice. La forme féminine, enracinée dans
la vie organique et destinée à la perpétuer, aura fasciné ceux qui été jusqu’à
éprouver leur passion de la liberté d’abord comme une affaire physique. Pour
ceux-là, la quête de la liberté passe toujours par le labyrinthe du corps.
Seulement la faire passer par le labyrinthe du corps féminin est d’autant plus
scandaleux que ce corps est programmé pour en produire d’autre. Au point que
chercher à y loger, comme Sade, Rimbaud ou Jarry l’ont fait, une figure de la
liberté, qui ne se laisse arrêter par rien pour inventer son devenir
improbable, constitue la transgression majeure. À ce prix quelque peu scélérat
se conquiert la liberté de penser, à ce prix quelque peu criminel se découvre
la matérialité de la liberté. La Philosophie dans le boudoir ne nous enseigne
rien d’autre, en se terminant sur l’inqualifiable outrage de la fille sur la
mère, l’espiègle Eugénie de Mistival ne se contentant pas de faire violer par
un valet vérolé celle qui l’enfanta dans la douleur, mais lui recousant le sexe
avec un solide et élégant fil rouge pour s’assurer de la remontée du poison
vers le mystère des origines.
Annie le Brun : On n’enchaîne pas les volcans
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