« À flanc d'abîme, le château étoilé »

 

Il se peut que je n’aurais rien tant cherché qu’à éprouver le vertige de découvrir qu’en dépit de tout, les plus hauts donjons de la singularité communiquent avec les profondeurs d’une jachère commune. J’en suis même à penser que la poésie n’aurait pas d’autre fin que de retrouver cette communication par l’abîme donnant soudain sur des perspectives auparavant impensables.

Et c’est bien ce qu’on ne lui pardonne pas, de tout ramener, par cet obscur détour, à une égalité d’être, à travers laquelle la vie se fraye son chemin, malgré tout. Alors, est-il seulement imaginable que la conscience poétique se manifeste encore comme la nécessité d’atteindre cet en deçà pour en préserver la possibilité au carrefour de l’éventuel et de l’abîme ? Pour suivre non pas les allées cavalières mais les arborescences. Pour avancer entre le bruissement et le silence sur le fil du rasoir qui, toujours, se faufile entre il était une fois et il sera une fois.

Dit ou non dit, avec pour seule splendeur l’ardent recommencement du commencement. Pas de table rase, mais l’abstraction démâtée, la contradiction affolée, l’absolu déboussolé et peut-être, tout neuf, le savoir de la nuit qui point sur la paume du jour.

Annie le Brun : Si rien avait une forme, ce serait cela

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