Le démon de la provocation est à l’œuvre. Les poèmes fatals sont de plus en plus audibles. S’ils parviennent aux oreilles des autorités, il est mort. Depuis la Crimée, la mort, il la recherche et comme il est contre le suicide, il semble compter sur ces autorités mêmes. Il appelle ce poème, tellement audible, cette fois qu’il n’attendra pas d’autre réponse que la mort. Autodestructeur avant qu’on ne le détruise tout à fait, jouant avec le feu, il s’achemine en ce mois de novembre fatidique, dans son appartement fourni par le pouvoir, vers les mots de feu, vers la dénonciation sans retour de cette société qu’il abhorre, parce qu’il aime trop ce qu’elle pourrait être. Le titre du poème : Épigramme à Staline, récité à une vingtaine de personnes, dont toutes n’étaient pas fiables… « Mais c’est du suicide !, s’exclame Pasternak. » Comme un Pouchkine empêché par l’époque, Mandelstam s’est offert le duel qu’il a pu, le poète philologue, à coups de racines étymologiques, au risque de devenir son double au moment de mourir.
Commentaires
Enregistrer un commentaire