Autant l’invention de la catastrophe profane avait
incité le dix-huitième siècle et le dix-neuvième siècle à rêver d’une négation
sans limite, autant l’invocation répétitive, surtout dans le cinéma des
cinquante dernières années, de catastrophes dues la plupart du temps à trop de
confiance dans la technique, se résumait à la simulation d’une situation
limite, mais en fin de compte toujours maîtrisable grâce à la même technique.
C’était le signe d’une perte considérable de notre force critique. Ainsi,
revues et corrigées, ces nouvelles images catastrophiques nous condamnaient à
une myopie, aboutissant à nous faire ignorer les conséquences de ce que nous
faisions. Comme si, faute d’imaginer, c’était vivre que nous perdions de vue. À
la place, le silence déplié, replié, chiffonné, étiré sous la trappe de
l’horizon. Seule, la grande soufflerie du langage avec des craquements d’âmes,
actionnés à volonté, pour camoufler le vide. Où étaient donc les
veilleurs ?
Annie le Brun : Si rien avait une forme ce serait cela
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