J’ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des
Russes, etc. ; je sais même, grâces à Montesquieu, qu’on peut être
Persan : mais quant à l’homme ; je déclare ne l’avoir rencontré de ma
vie ; s’il existe, c’est bien à mon insu. Y a-t-il une seule contrée de
l’univers, où l’on ne puisse trouver un conseil des cinq-cents, un conseil des
anciens et cinq directeurs ? Cette constitution peut être présentée à
toutes les associations humaines depuis la Chine jusqu’à Genève. Mais une constitution
qui est faite pour toute les nations n’est faite pour aucune : c’est une
pure abstraction, une œuvre scolastique faite pour exercer l’esprit d’après une
hypothèse idéale et qu’il faut adresser à l’homme, dans les espaces imaginaires
où il habite. Qu’est-ce qu’une constitution ? N’est-ce pas la solution du
problème suivant ? Étant données la population, les mœurs,
la religion, la situation géographique, les relations politiques, les
richesses, les bonnes et les mauvaises qualités d’une certaine
nation, trouver les lois qui lui conviennent. Or, ce problème n’est pas
seulement abordé dans la constitution de 1795, qui n’a pensé qu’à l’homme.
Toutes les raisons imaginables se réunissent donc pour établir que le sceau
divin n’est pas sur cet ouvrage. — Ce n’est qu’un thème. Aussi, déjà dans
ce moment, combien de signes de destruction !
Joseph de Maistre : Considérations sur la France
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