Weidmann était né en février 1908 à Francfort et avait
donc à peine trois ans de plus que Genet. Il avoua que depuis l’âge de quatre
ans, il éprouvait le besoin irrésistible de voler. En prison, à Versailles, il
mangeait et dormait bien, et passait son temps à écrire. Dans une enquête sur
« les grands criminels allemands », Détective notait que tous les
grands criminels avaient un visage sympathique. Et d’ajouter, remarque
significative : « Jadis, il aurait sa place dans La Légende des
siècles. » La foule se montra si sanguinaire autour de son échafaud
qu’immédiatement après le Conseil des ministres décréta qu’il n’y aurait plus
d’exécutions publiques en France. La vieille idée de la mort du criminel comme un
spectacle tragique et édifiant s’effaçait devant la bégueulerie. Genet cite
volontiers une phrase qu’il prête à Weidmann apprenant sa condamnation à
mort : « Je suis déjà plus loin que cela. » En réalité, c’était
un autre criminel de l’époque, le bandit corse, Moro Dante Spada, qui avait
déclaré en entendant le verdict : « Cela m’est égal, je suis déjà au
paradis. » Comme les hagiographies d’antan, Genet attribue la sentence
d’un saint à un autre qu’il préfère, la rendant au passage plus mystérieuse,
plus virile, moins folle et conventionnelle en la dépouillant de sa
religiosité.
Edmund White : Jean Genet
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