Soyez rares

 

Baudelaire raconte que Balzac payait ses dettes en vendant des articles qu’il faisait ensuite écrire par d’autres. Brummel eut recours à une autre méthode. Quand un créancier lui réclamait de l’argent, il récoltait qu’il l’avait déjà payé : « je me tenais à la fenêtre du White’s et je vous ai salué d’un ‘Hello Jimmy’, alors que vous passiez. » En fait d’argent, le dandy ne disposait que d’un capital limité, insuffisant en tout cas pour rivaliser en splendeurs avec le Prince. À la magnificence, Brummel opposa donc la perfection raffinée, les dîners délicats. Il ne dépensait pas somptueusement. Non qu’il fût avare, mais parce qu’en toute chose le principe du dandysme tient dans la modération, à distance de tout excès, de toute excentricité… Même modération en amour. Brummel n’avait rien du libertin et tranchait radicalement par sa tempérance su les beaux esprits et les fashionable de l’époque… Brummel courtisait les femmes, estimant leur faire ainsi beaucoup d’honneur et contribuer à leur éclat par l’intérêt qu’il voulait bien leur témoigner, mais on ne lui connaît aucune passion, aucune liaison ; sa vanité l’occupait exclusivement et s’opposait à ce qu’il fût accaparé par des amours excessives. D’après le capitaine Jesse, son biographe, il aurait été une fois sur le point de se marier, mais aurait rompu avec la jeune lady après avoir appris qu’elle mangeait du chou.

Françoise Coblence : Le Dandysme

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