« Repulsive and yet beautiful »

 

Votre littérature, vos beaux-arts, vos divertissements d’après-dîner, célèbrent le crime. Le talant de vos poètes a glorifié le criminel que dans la vie vous haïssez. Souffrez qu’à notre tour nous méprisions vos poètes et vos artistes. Nous pouvons dire aujourd’hui qu’il faut une rare outrecuidance au comédien qui ose feindre sur la scène un meurtre quand il y a chaque jour des hommes dont le crime, s’il ne conduit pas toujours à la mort, les charge de votre mépris ou de votre pardon. Chacun de ces criminels doit s’arranger avec son acte. Il faut bien qu’il en tire les ressources mêmes de sa vie morale, qu’il organise celle-ci autour de lui-même, qu’il obtienne d’elle ce que la vôtre lui refuse. Pour soi, et pour soi seul et pour un temps très bref, car vous avez le pouvoir de lui couper la tête, il devient un héros aussi beau que ceux qui vous émeuvent dans vos livre. S’il vit, pour continuer de vivre avec soi, il lui faut plus de talent qu’au poète le plus rare.

Jean Genet : L’Enfant criminel

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