Killed by death

La mort pour les Aztèques n’était rien. Ils demandaient à leurs dieux non seulement de leur faire recevoir la mort avec joie, mais même de les aider à y trouver du charme et de la douceur. Ils voulaient regarder les épées et les flèches comme des gourmandises. Ces guerriers féroces n’étaient cependant que des hommes affables et sociables comme tous les autres, aimant à se réunir pour boire et pour parler. Il était ainsi d’usage courant dans les banquets aztèques de s’enivrer avec l’un des divers stupéfiants dont ils usaient couramment.

Il semble qu’il y ait eu chez ce peuple d’un courage extraordinaire un goût de la mort excédant. Il s’est livré aux Espagnols en proie à une sorte de folie hypnotique. La victoire de Cortès n’est pas le fait de la force, mais bien plutôt d’un véritable envoûtement. Comme si ces gens avaient vaguement compris qu’arrivés à ce degré d’heureuse violence la seule issue était, pour eux, comme pour les victimes avec lesquelles ils apaisaient les dieux folâtres, une mort subite et terrifiante.

Eux-mêmes ont voulu jusqu'au bout servir de « spectacle » et de « théâtre » à ces personnages fantasques, « servir à leur risée », et à leur « divertissement. » C’est, en effet, ainsi qu’ils concevaient leur bizarre agitation. Bizarre et précaire puisqu’ils sont mort aussi brusquement qu’un insecte qu’on écrase.

Georges Bataille : L’Amérique disparue

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