Source : La valeur d’usage de D.A.F. de Sade [décembre 1929-janvier 1930] par Georges Bataille, postface de Mathilde Girard, éditions Lignes.
La merde provoque dans les conditions
normales une excitation extrêmement aiguë, au même titre et au même degré que
les organes ou les fonctions sexuelles. Ceci n’est pas seulement important du fait
qu’un exposé ardu se trouve facilité mais aussi parce que toutes les réactions
de cet ordre ont une grande valeur d’indication du point de vue théorique.
Aussi, la merde peut être caractérisée par l’hilarité qu’elle occasionne et
même si cette forme particulière d’excitation doit être donnée comme une forme
dégradée, cette caractérisation est importante en raison de la clarté des
indications.
L’interprétation du rire comme un
processus spasmodique des muscles sphincter de l’orifice buccal, analogue à celui
des muscles-sphincter de l’orifice anal pendant la défécation est probablement
la seule satisfaisante, à condition qu’il soit tenu compte dans l’un comme dans
l’autre cas de la place primordiale dans l’existence humaine de tels processus
spasmodiques à fin excrétoire. Lorsque les éclats de rire se produisent, il
faut donc admettre que la décharge nerveuse qui aurait pu normalement être
libérée par l’anus, ou par les organes sexuels voisins, est libérée par
l’orifice buccal. Mais dans le rire, l’exécration cesse d’être positivement
matérielle : elle devient idéologique en ce sens que l’objet excrémentiel
des contractions spasmodiques n’est qu’une image et non une certaine quantité
de sperme, d’urine, de sang ou de fiente.
Cette image peut être celle de l’un des excréments énumérés ou celle de l’un des organes excréteurs. Elle peut également être celle d’une chose, d’une personne ou d’une action de caractère excrémentiel marqué, par exemple la chute. Le rire est provoqué dans un très grand nombre de cas par des causes qui pourraient aussi bien provoquer la congestion, préalable aux spasmes, des organes sexuels : une obscénité qui peut faire b… un homme peut en faire rire un autre, et, chez les femmes, le chatouillement peut aussi bien provoquer de petits éclats de rire qu’une sécrétion vaginale.
Il est vrai que les causes de nombreuses hilarités analogues paraissent sortir d’un cycle aussi étroit, mais cela tient au développement complexe des formes excrétoires dans l’existence humaine. Il faut tenir compte en premier lieu de l’excrétion collective qui traite en corps étranger un certain nombre d’actions et de types humains et certaines catégories sociales, le rire étant assez ordinairement l’expression de l’antagonisme des classes diverses ou des diverses générations d’hommes.
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