Faute de la grâce créatrice, ils tombent aussi vite
dans l’oubli qu’ils ont été produits. Auguste Rodin consignait le fait dans les
termes suivants : « Le temps ne peut rien contre les plans justes. Il
ne ronge que les figures mal faites. Elles sont perdues sitôt que
touchées ; l’usure, dès la première atteinte, dénonce le mensonge. Mais
une figure, sortie admirable des mains de l’artiste, reste admirable, toute
rongée qu’elle puisse être. L’œuvre des mauvais artistes n’a point de durée,
parce qu’elle n’a jamais existé essentiellement. » À l’inverse, des œuvres
méconnues de leur temps pour des raisons diverses mais parce qu’elles respirent
l’inspiration, défient par la suite la décrépitude à laquelle on les croyait
d’abord condamnées. N’oublions pas que l’écrivain en vogue du temps de Balzac
et de Stendhal s’appelait, je crois, Champfleury. Il n’y a cependant pas lieu
d’insister sur cette signification, car elle fait partie de l’histoire de
l’art, de sorte que l’on peut parier sur une discrimination future qui
constituera une dérision pour beaucoup de critiques de notre époque. Il y a
aussi une décadence qui frappe les critiques.
Julien Freund : La Décadence
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