Source : Le Trompeur trompé, représentations littéraires des charlatans à la Renaissance, par Matteo Leta, avant-propos par Jean Céard, préface par Denis Crouzet, introduction par Franck Lestringant, éditions des Belles Lettres, collection Essais.
La tête de mort est un autre élément caractéristique
dans les rituels magiques, où elle peut avoir une valeur divinatoire et
mantique ; c’est pourquoi elle est également utilisée par les charlatans
pour prédire l’avenir ou révéler le lieu où se trouverait un fabuleux trésor.
Dans le Vagabondo de Rafaele Frianoro, on retrouve l’escroc Pasquale qui
trompe le naïf Jacoviello en lui faisant croire que, grâce aux révélations
d’une tête de mort, il saura dans quelle partie de sa maison se trouve le
trésor. Bien entendu, c’est un compagnon du charlatan qui, caché dans une
petite pièce du souterrain, et grâce à un tuyau relié à la tête, fait croire
que la tête parle.
On retrouve également le même subterfuge dans le Don
Quichotte : Don Antonio Moreno possédait une tête « fabriquée par
un des grands enchanteurs et magiciens », un Polonais qui avait modelé la
tête de bronze afin qu’elle puisse « répondre à tout ce qu’on lui demande
à l’oreille. » À la fin du chapitre, Cervantès explique toutefois la
tromperie : la tête était complètement vide et il y avait un tuyau dans
l’un des pieds de la table. Grâce à ce tuyau, le neveu de Don Antonio pouvait
se placer dans la pièce située à l’étage inférieur et prêter sa voix à la tête
divinatrice.
La tête magique est donc une ruse topique liée aux
charlatans et peut avoir ne structure différente de celle décrite par Cervantès
et Frianoro. En effet, dans l’Euphormion de Jean Barclay, Percas réussit
à dévoiler la tromperie se cachant derrière un fantôme qui rôdait dans un
cimetière, et qui était uniquement composé d’une tête d’homme, avec « de
longues dents séparées, ses joues étaient creuses ; les os en étaient
élevés ; elle n’avait point de cheveux. » Percas se dirige vers le
monstre et découvre qu’il ne s’agit que d’un homme « vêtu de blanc et qui
avait pris une tête de mort afin de cacher sa lâche tromperie. »
Ce subterfuge avait une valeur centrale déjà dans les
comédies et les nouvelles de Girolamo Parabosco et il l’utilise pour se moquer
des charlatans. En effet, dans le Viluppo (1547), Trappola est un
nécromancien qui propose à Viluppo de tromper son maître Valerio, le vieillard
amoureux, grâce à une « tête de mort qui semblera se mouvoir et respirer
et lui répondra à point. » Viluppo propose au magicien de se rendre dans
un cimetière pour prendre la tête d’un cadavre et de se déguiser en vieille
femme, afin de ne pas être reconnu. Viluppo en profite pour prendre les
vêtements du charlatan et coucher avec la femme de ce dernier en toute
tranquillité.
Ce subterfuge est proposé par Parabosco dans une autre comédie L’Hermaphrodite (1560) que l’auteur lui-même présente comme le fils de l’union entre Viluppo et la comédie La Notte (1546) sa sœur. En outre, le subterfuge de la tête de mort est également décrit par l’écrivain italien dans la neuvième nouvelle des Diporti (1551/1552) où Scaltro trompe le nécromancien Nebbia qui lui avait proposé de l’utiliser contre son maître.
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