Surveillance liquide

 

Source : Cyberpunk’s not Dead, laboratoire d’un futur entre technocapitalisme et posthumanité par Yannick Rumpala.

La surveillance semble pouvoir venir de partout, y compris par la miniaturisation technique. De quoi nourrir encore plus les réactions paranoïaques, lorsqu’il apparaît possible qu’un individu soit espionné à son insu, à partir de son propre corps.

Comme le rappelle Sally à la jeune Kumiko dans Mona Lisa s’éclate : « Tu pourrais être piégée, tu n’y as jamais songé ? » Peut-être que ton père, le seigneur Yak, t’a fait implanter un petit émetteur espion, histoire de pouvoir suivre sa fille à la trace. Ces jolies petites quenottes que t’as là… » Logiquement, la panoplie est complétée par des techniques d’identification personnelle, rétinienne par exemple, qui permette de retrouver l’identité d’une personne. Autant de procédés qui, en fait, n’étonnent plus personne aujourd’hui avec le recul et les avancées techniques, compte tenu de la variété des outils biométriques désormais disponibles, des scanners d’empreintes digitales jusqu’à la reconnaissance des visages.

Toutefois, dans ces visions fictionnelles, du moins encore à l’époque de publication, ce n’est pas une surveillance émanant d’un gouvernement quelconque ou d’un régime autoritaire. Contrairement au Big Brother orwellien, le cyberpunk montrait que celle-ci pouvait intéresser une bien plus large variété d’acteurs, a fortiori aux intentions douteuses, dès lors qu’ils pouvaient accéder à ce type de technologie. 

Le modèle pressenti est davantage celui d’une « surveillance liquide » pour reprendre l’expression qu’utilisera le sociologue Zygmunt Bauman ; une surveillance omniprésente sans être forcément visible, faite de flux de données provenant d’une multitude d’appareils, dont certains paraissaient d’autant plus inoffensifs qu’ils ont l’apparence de banals objets de consommation. C’est même un rétrécissement du domaine privé qui semble annoncé conjointement, jusque loin potentiellement dans les aspects personnels.