Source : Cyberpunk’s not Dead, laboratoire d’un futur entre techno-capitalisme et post-humanité par Yannick Rumpala.
Dans Neuromancien, McCoy Pauley, l’ancien pirate
informatique et mentor de Case, devenu Dixie le Trait-Plat (Dixie Flatline en
version originale) n’est plus qu’une forme d’enregistrement préservée dans un
espace virtuel. Ce qui le place par ailleurs aussi dans un état de complète
dépendance.
Situation similaire pour le personnage de Reno, pilote
de « delta » abattu en vol, dans Câblé : « Reno
est bien piégé quelque part dans le cristal, ce qui reste de lui est un spectre
électronique, pris dans une boucle sans fin entre deux univers, fonçant nulle
part à la vitesse de la lumière. » Avec l’espoir peut-être de
retrouver une forme de matérialité corporelle, mais différente, à
l’ancienne :
« La cuve de Reno est une matrice de cristal à
La Havane, prête au transfert dans un corps cloné, sitôt qu’on estimerait l’ADN
assez proche de son aspect original et qu’on pourra faire croître un nouveau
corps à partir de celui-ci. » Et une solution plus maléfique s’avère
même disponible : « C’est un programme d’intrusion de la pire
espèce… il reconstitue un esprit dans un cristal. Puis entre dans un autre
esprit, vivant, celui-là, et l’y implante par-dessus. Impose la première
personnalité à la seconde. Exécute en quelque sorte une copie de sauvegarde du
programme. »
Avec ces possibilités, il ne s’agit plus seulement
d’une mémoire exosomatique, autrement dit, juste des souvenirs enregistrés sur
un support artefactuel, mais aussi d’une conscience extérieure au corps. Ce qui
laisse penser qu’un individu, avec tout son parcours personnel, peut maintenir
ou trouver son identité par d’autres voies que celle de la matérialité organique
enfermée dans un cerveau lui-même dépendant d’un corps. Sans trouble de la
personnalité ? Question laissé en suspens…
Une part de cet imaginaire se situe dans un registre
que l’on peut qualifier de post-biologique, si l’on reprend le terme que le
roboticien Hans Moravec avait commencé à utiliser à la fin des années 1980.
Mais, dans son cas, avec un arrière-plan penchant vers le transhumanisme et une
forme d’acceptation de l’abandon du corps au profit d’un transfert numérique de
la conscience…
Après la mort, il serait même possible d’envisager la
reconstruction de la personnalité sur un support artificiel. Des activités
analogues aux activités cérébrales n’ont alors plus de matérialité organique,
comme pour Dixie le Trait-Plat qui, dans Neuromancien, n’existe plus
qu’à l’état de « construct. »
Plutôt qu’un sommeil éternel, il y aurait donc une « vie » possible après le décès, mais plus du type de celle laissée à l’imagination dans les religions. Si le corps n’est plus fonctionnel, l’esprit, lui, peut être accueilli ailleurs, dans un autre réceptacle. Dans Software de Rudy Rucker, on trouvait aussi déjà la possibilité de transférer son esprit dans un ordinateur, possibilité offerte comme un accès à une forme d’immortalité.
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