« Comique, comique, ha, ha, ha, c’est un comique ! »

 

Source : Le Symbolisme des Jeux par Jean-Marie Lhôte, éditions Berg International

Qu’il soit cercle magique du théâtre ou cercle de l’arène, cette figure représente l’inconscient par rapport à la conscience symbolisée par le carré. Est-ce une impression fondée ? Il semble que le cercle en architecture donne son sens à partir d’un regard porté de haut en bas, la piste du cirque ou de l’arène est semblable au fond d’un entonnoir que le public regarde, accroché au cône intérieur. Au contraire, un carré sera vu de bas en haut : l’estrade du bateleur, le bûcher ou l’auteur du sacrifice. Abraham, par exemple, ne va pas sacrifier son fils Isaac dans les entrailles de la terre mais sur une montagne ; c’est aussi sur un mont que Moïse reçoit les Tables de la Loi rectangulaires sur lesquelles sont inscrites les règles du jeu suprême et le Christ lui-même sera cloué sur la croix aux quatre angles d’équerre, au sommet d’une colline. Dans ces différents cas, le spectateur « élève » son regard vers le ciel.

La situation des jeux du cirque est inverse. On regarde un trou, une ouverture, le fond d’un puits. Dans l’Antiquité, il s’agissait d’ailleurs d’une véritable « bouche d’enfer. » Souvenons-nous de ce qui a été dit plus haut au sujet du public et du lieu de l’action : le public hors de l’enceinte est en situation chaotique. Le public, à l’intérieur de l’enceinte, est en situation chaotique. Le public à l’intérieur de l’enceinte participe au jeu. Il y a d’ordinaire « spectacle » quand le public domine effectivement l’aire de jeu qu’elle soit circulaire ou rectangulaire. Il n’y a plus jeu mais religion dans la vision des sacrifices rituels. Il y a contemplation et prière pour l’homme devant ses regards vers le ciel ; il y a spectacle pour les dieux de l’Olympe penchés vers le monde. Si cela est exact, le spectacle donné sur tréteaux et surplombant le public changerait de nature s’il était donné au fond d’un amphithéâtre.

Il existe en tout cas une différence essentielle entre le comédien batteur d’estrade dominant la foule et le comédien évoluant dans le cercle au fond de son entonnoir. Cette différence est simplement celle qui existe entre ces deux grands types d’acteurs que sont le bateleur et le clown. Le bateleur est un faiseur de tours, souvent un charlatan. Le clown, en revanche, est au sens propre un « rateur » de tours ; pantin dérisoire, il cherche à transmuer sa propre nature afin de rejoindre son essence divine. Ce n’est plus un homme cherchant à se faire passer pour un dieu mais une divinité masquée allant souvent jusqu’à ce moquer d’elle-même.

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