Grand Macabre

 

Ill. : Buste anatomique (1699/1700) par Gaetano Zumbo. Texte : Le regard de l’anatomiste, dissections et invention du corps en Occident, par Rafaël Mandressi, éditions du Seuil, collection L’Univers historique.

Le premier à appliquer avec succès les méthodes de la céroplastie à l’anatomie fut très probablement l’abbé sicilien Gaetano Giulio Zummo, dénommé aussi Zumbo (1656-1701)

Connaisseur de la sculpture en cire colorée, Zummo avait acquis une solide réputation par ses « Théâtres de la mort », des tableaux tridimensionnels en miniature, inspirés de sujets religieux et composé autour du thème de la décomposition du cadavre : La Peste, Le Triomphe du Temps, La Corruption des corps et La Syphilis. Le premier de ces quatre tableaux aurait été exécuté pendant un séjour à Naples, les trois restants à Florence, où Zummo fut appelé en 1691 par Cosme III de Médicis.

Chaque œuvre est « un petit théâtre de vanité, la fugacité de la vie et l’inutilité des richesses y sont représentées » ; l’abbé céroplasticien y joue non seulement sur la forme, mais aussi sur la couleur, utilisation de tons glauques et bileux, pour rendre les différentes étapes de la corruption. Les corps sont gonflés, volumineux et ils débordent de fluides et de sanies. Ils représentent le chaud et l’humide en opposition au froid et sec des cadavres anatomiques.

Zummo emprunta cette voie après son séjour à la cour du grand-duc de Toscane, lorsqu’il rencontra à Gênes, le chirurgien français Guillaume Desnoues (mort vers 1735) Rencontre décisive : les deux hommes s’associent pour appliquer à la réalisation des pièces anatomiques en cire, moulées directement sur les cadavres dans les hôpitaux.

Les « anatomies artificielles » modelées par Zummo devaient se substituer avantageusement aux cadavres réels, en particulier pour les démonstrations anatomiques. Les plus appréciées de ces pièces étaient les têtes, dont seulement trois nous sont parvenues : la première, conservée au musée de la Specola à Florence, fut envoyée par le céroplasticien à son ancien protecteur Cosmos III ; une autre fut présentée en 1701 à l’Académie royale des sciences à Paris, l’année même de la mort de Zummo, alors qu’une dispute sur la priorité de la découverte des modèles anatomiques en cire avait déjà précipité la rupture avec Desnoues.

Cette tête est avant tout un objet de sciences, mais Zummo n’a pas effacé pour autant son aspect esthétique, aussi bien dans l’expression faciale, soulignée par le regard, la contraction des muscles et la bouche entrouverte qui laisse voir les dents, que par la torsion du cou par rapport au visage qui donne l’impression du mouvement.

Commentaires