Ill. : Recommandé par Neûre aguèce. Texte : Le regard de l’anatomiste, dissections et invention du corps en Occident, par Rafaël Mandressi, éditions du Seuil, collection L’Univers historique.
Dernier avatar de la céroplastie anatomique, ces muses
des années 1870-1900 qui se situent à l’entrecroisement de deux champs, le
champ médical, avec l’offensive de l’hygiénisme, et le champ artistique marqué
dans de nombreux domaines par la morbidité. Aussi, la section consacrée au
corps malade est-elle la plus importante. Dans ce cadre, le visiteur est amené
à observer tous les effets destructeurs des différentes maladies sur le corps
humain et surtout les méfaits de l’alcoolisme : peste, lèpre, choléra,
cancer, appendicite, diphtérie rongent et défigurent ces moulages de cire,
présentés dans des vitrines avec des cartels explicatifs, sans oublier la
syphilis présente sous toutes ses formes.
À la mise en scène du corps malade font suite celles du
corps monstrueux et du corps exotique que l’on visite après avoir parcouru la
section du « corps sain. » Le discours moralisateur accompagne
l’image de vulgarisation scientifique que les directeurs de ces musées —
Spitzner, Deranlot, Quitout, Groningue — veulent donner de leurs
établissements, sans négliger le divertissement ni le côté artistique de
l’affaire. « Attraction, Art, Science et Progrès » est la devise que
l’on peut lire sur la plupart des programmes.
C’est la fin du parcours pour les collections anatomiques : dans les musées savants, elles ne représentent désormais que les témoins du passé d’un savoir, mais sur les champs de foire elles assurent encore, jusqu’à l’aube du vingtième siècle, la diffusion plus large de bribes de ce savoir, de quelques-uns de ses usages sociaux et des lignes de force de l’imaginaire qui lui est associé.
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