Source : Conduire la guerre, entretiens sur l’art opératif, Benoist Bihan et Jean Lopez, éditions Perrin, un livre important.
Dans les années 1920, Sviétchine et Toukhatchevski
professent des conceptions stratégiques opposées en cas de guerre contre les
ennemis de l’U.R.S.S., Pologne en tête. Le premier en tient pour une stratégie
d’attente puis d’usure ; le second, se fait le champion d’une attaque
brusquée visant l’anéantissement. La terreur de 1937-1938 a raison des deux
hommes, mais la vision de Toukhatchevski lui survit : l’Armée rouge sera
une armée entièrement tournée vers l’offensive et qui, trop longtemps, ne cherchera
que l’anéantissement de l’adversaire par une « victoire
extraordinaire. »
En se basant sur cette option stratégique,
Triandafillov développe la doctrine tactique de la « bataille en
profondeur » qui doit permettre de percer le front à tout coup. Isserson
peaufine et élargit ce travail en une seconde doctrine, « l’opération dans
la profondeur », plus ambitieuse. Rupture et exploitation sont assurées
par un échelonnement précis des forces jusqu’à destruction complète de l’ennemi
en une opération unique. Ces deux doctrines privilégient la phase initiale de
la guerre. L’Armée rouge les mettra en pratique avec des bonheurs variables
durant la guerre contre l’Allemagne.
Ces deux doctrines ne se confondent pas avec l’art opératif. Ce dernier offre une théorie générale. Les doctrines de Tirandavillov et d’Isserson en sont des formes particulières étroitement liées à la stratégie de l’anéantissement rapide de l’adversaire. Cette stratégie, à son tour, reflète une lecture particulière de la situation soviétique, intérieure, et extérieure, dans les années 1930 : celle de Toukhatchevksi. Malgré la monomanie offensive et la mégalomanie des objectifs proposés, il n’en demeura pas moins que, pour la première fois dans l’histoire militaire, une doctrine tactique est pensée de façon opérative dans le cadre d’une stratégie donnée.
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