L’hypothèse d’Ernest Wickersheimer est
intéressante : « comme les dissections sont devenues de plus en plus
fréquentes au XIVe puis au XVe siècle » dit-il, il est licite de penser
que « Rome n’entendait pas les prohiber, mais seulement les
surveiller. » Et il ajoute : « Je ne serais pas éloigné de
penser qu’en soumettant à certaines formalités l’étude du corps humain,
l’Église prenait sous sa sauvegarde les anatomistes, auxquels le sentiment
populaire a été si longtemps
hostile. » Bienveillance, surveillance, protection, puis christianisation
de l’anatomie, « devenue aux XVIe et XVIIe siècles science théologale et
anthropologique, discipline primordiale pour connaître le fils de Dieu et les
reflets du divin sur l’humain… utilisée par les intellectuels catholiques et la
culture ecclésiale pour souligner le miracle le plus extraordinaire que la
puissance divine ait jamais réalisé : la création de l’homme. » C’est
peut-être à ce trait de la culture de la Contre Réforme, qui fit de l’anatomie
un instrument subtil, servant la redécouverte de Dieu » qu’il faut
associer la déclaration en 1556, de la faculté de théologie de l’université de
Salamanque, qui proclame que la dissection de cadavres humains sert des propos
utiles et que, par conséquent, elle est permise aux chrétiens de l’Église
catholique.
Rafael Mandressi : Le Regard anatomique
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