Brouillard de la guerre

 

Source : Conduire la guerre, entretiens sur l’art opératif, Benoist Bihan et Jean Lopez, éditions Perrin, un livre important.

BB. : L’une des questions de l’art opératif est bel et bien posée lors de la Guerre de Sécession, vers 1864-1865 : à quoi doivent servir les combats ? Est-ce de détruire les forces adverses en supposant que cela accule de facto, par un résultat automatique en quelque sorte, l’ennemi à la reddition ? Ou au contraire le but est-il de gagner des degrés de liberté d’action pour d’autres tâches : blocus, destruction d’un potentiel économique, conquête d’un objectif symboliquement fort comme une capitale ?

Cette question pour vitale qu’elle soit, ne constitue elle-même qu’un premier pas. Reste en effet à savoir si ces autres tâches peuvent à leur tour, accoucher d’une décision politique. Et cette seconde moitié du dix-neuvième siècle, la stratégie, qui, rappelons-le, n’a alors qu’un siècle d’existence en tant que branche formalisée de l’art de la guerre, parvient au seuil de la question essentielle : comment agir sur la volonté ennemie alors que c’est in fine le vaincu qui décide de la victoire.

JL : Voilà un joli paradoxe : c’est le vaincu qui décide de la victoire. Vous voulez dire que, tant que l’adversaire ne reconnaît pas sa défaite, il ne peut y avoir de victoire ?

Exactement. Clausewitz, toujours lui, l’avait bien compris, notamment dans sa lumineuse analyse de la campagne de Napoléon en Russie en 1812. « À quoi bon prendre Moscou si cela n’a aucun effet sur le Tsar ? »

Commentaires