Beauté intérieure

 

Source : Le regard de l’anatomiste, dissections et invention du corps en Occident, par Rafaël Mandressi, éditions du Seuil, collection L’Univers historique, recommandé par Neûre aguèce.

Clemente Susini (1754-1814), dont l’œuvre est sans doute la plus représentative de l’école florentine de moulage en cire, y travailla pendant quarante ans et forma des disciples comme Francesco Calenzuoli (1796-1829) et Luigi Calamai (1800-1851), qui fut directeur de l’officine de céroplastie de 1840 à 1848. Plus de deux mille pièces sont dues à Susini en collaboration avec des anatomistes comme Filippo Uccelli (1770-1832), démonstrateur à l’hôpital Santa Maria Nuova et professeur « d’anatomie pittoresque » à l’Académie des Beaux-Arts de Florence, et surtout Paolo Mascagni, professeur d’anatomie à Sienne d’abord, puis à Pise en 1800 et dès l’année suivante à Florance.

Les anatomistes préparaient les cadavres en les mettant dans des poses souvent inspirées de sculptures classiques ; les céroplasticiens en prélevaient des moulages de plâtre et y versaient des mélanges colorés de cire vierge, de suif, de poix, de résine et de baume variés.

L’un des modèles de Susini représente le réseau superficiel des vaisseaux lymphatiques, auxquels Mascagni consacra l’essentiel de ses recherches anatomiques. Il s’agit d’une figure masculine, fascinante par sa richesse plastique, dont l’attitude et l’expression reprennent celles de la statue, féminine pourtant, de L’Aurore de Michel-Ange, placée sur le tombeau de Julien de Médicis.

Une autre cire de Susini, la Venera scomponibile, fut fabriquée avec une pièce mobile qui couvrait la partie antérieure du tronc, à la façon d’un couvercle que l’on pouvait soulever afin de découvrir les viscères abdominaux et thoraciques et un fœtus minuscule à l’intérieur de l’utérus. Des pièces myologiques, d’autres montrant l’appareil circulatoire, des corps entiers ou des fragments reposant sur des coussins de soie, des draps brodés d’or : les céroplasticiens de la Specola esthétisaient soigneusement la science et la mort.

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