Atrax Morgue

 

Le cadavre n’est pas qu’une matière première, même sous l’angle de sa plus stricte inscription dans un cadre de recherche ou d’enseignement : il est avant tout le prix à payer. L’accès à la connaissance exige de se pencher sur l’abîme nauséabond de la dépouille, sur la solitude absolue des défunts. Il est aussi une limite car la vie reste une énigme à force de la chercher dans un cadavre. On trouve ici l’impasse la plus spectaculaire qui soit, pourtant constitutive d’un regard établi sous le mot d’ordre d’expérience, de vue et de toucher, mais auquel échappe la vie, la vie qui ne peut être ni vue, ni touchée, ni rencontrée dans un objet inerte. La vie doit être déduite à partir de sa disposition des parties. Que reste-t-il du corps après la dissection ? Rien que des débris.

Rafaël Mandressi : Le Regard de l’anatomiste

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