Anatomie sèche

 

Ill. : Anatomie mécanique, chapelle Sansevero. Texte : Le regard de l’anatomiste, dissections et invention du corps en Occident, par Rafaël Mandressi, éditions du Seuil, collection L’Univers historique.

Un noble napolitain, Raimondo di Sangro (1710-1771), duc de Torremaggiore et septième prince de Sansevero, avait précédé Fragonard de quelques années dans ce genre de préparations anatomiques. À une moindre échelle, néanmoins, et à des fins différentes. Alchimiste et franc-maçon, imprimeur, militaire, homme de lettres, inventeur et mécène, Di Sangro fit restructurer à partir des années 1740 la chapelle familiale de la Pieta ou Pietatella, connue depuis sous le nom de chapelle Sansevero.

Au centre de ce chef-d’œuvre du dernier baroque napolitain est placé un Christ voilé en marbre réalisé par Giuseppe Sammartino en 1753, à droite et à gauche du maître-autel se trouvent des sculptures allégoriques d’Antonio Corradini (La Pudeur) et de Francesco Queirolo (La Déception) et dans une crypte ovale souterraine, deux « machines anatomiques », les corps anatomisés d’un homme et d’une femme dont les squelettes apparaissent revêtus des systèmes veineux et artériel ainsi que de quelques organes colorés.

Ces préparations, qui furent transportées à cet endroit après la mort de Di Sangro, étaient logées auparavant dans le palais avoisinant, plus précisément dans la « Chambre du Phénix » où le prince alchimiste réalisait, dit-on, ses expériences. L’origine de ces « anatomies sèches » est mal connue, mais elles auraient été réalisées vers 1760 par un anatomiste de Palerme, qui aurait préparé lui-même la substance pour les injections vasculaires.

Un guide édité à Naples entre 1766 et 1769, la Breva nota di quel che si vede in cas del Principe di Sansevo d. Raimondo di Sangro, fait état de la présence dans la Chambre du Phénix, de ces deux macchine anatomiche, uniques en toute l’Europe, et d’un fœtus mort dans le ventre de sa mère, tous les deux également anatomisés.

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