L’œuvre chez Blanchot est condamnée à l’errance, à la
répétition. Son échec est bien la condition pour qu’elle s’accomplisse comme œuvre,
mais il ne s’en trouve pas métamorphosé : il s’approfondit au contraire
comme échec. Si l’œuvre est condamnée au désastre, — c’est que ce qui se
dissimule en elle, et qu’elle conduit, à sa manière, au paraître —, est le vide
d’une origine sans plénitude. Pour Heidegger, l’origine est l’inépuisable et
fécond abîme de l’Être. Pour Blanchot, elle n’est que le ruissellement monotone
du dehors. Dans les deux cas, l’œuvre suppose bien un secret dont elle est le
témoignage, mais ce secret se décline en deux versions irréductibles. La parole
rapportée à l’abîme, orientée vers l’indicible, a pour emblème la poésie alors que
la parole renvoyée à l’innommable a pour emblème la littérature. Le poète nomme :
il parle toujours pour la première fois. L’écrivain ressasse : aux prises
avec la fatalité du retour, son premier mot est déjà l’expérience du
recommencement, à nouveau, à nouveau, le cri de l’angoisse aux prises avec l’irréductible.
Marlène Zarader : L’Être et le Neutre
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