Source : Chevaucher le tigre par Julius Evola, éditions Guy Trédaniel, troisième édition, relecture en cours, vingt ans après.
Il existe deux façons de concevoir l’impersonnalité qui sont à la
fois analogues et opposées : l’une se situe au-dessous, l’autre au-dessus
du niveau de la personne ; l’une aboutit à l’individu, sous l’aspect
informe d’une unité numérique et indifférente qui, en se multipliant, produit
la masse anonyme ; l’autre, est l’apogée typique d’un être souverain,
c’est la personne absolue. Cette deuxième possibilité est à la base de
l’anonymat actif que l’on retrouve dans les civilisations traditionnelles, et
correspond à une direction opposée à toute activité, création ou affirmation
uniquement fondée sur le moi.
Comme nous l’avons dit : ce qui est personnel devient
impersonnel ; conversion paradoxale en apparence, qu’atteste le fait qu’il
existe vraiment une grandeur de la personnalité là où l’œuvre est plus visible
que l’auteur, l’objectif que le subjectif, là où, sur le plan humain, quelque
chose transparaît de cette nudité, de cette pureté, qui est le propre des
grandes forces de la nature : dans l’histoire, dans l’art, dans la
politique, dans l’ascèse, dans tous les domaines de l’existence.
On a pu parler « d’une civilisation de héros
anonymes » ; mais l’anonymat a existé aussi dans le domaine de la
spéculation lorsqu’on tenait pour évident que ce que l’on pense selon la vérité
ne peut être signé du nom d’un individu. Nous rappellerons aussi la coutume
consistant à abandonner son nom, à en prendre un autre qui désigne, non plus
l’individu, l’homme, mais la fonction ou la vocation supérieure, lorsque la
personnalité a été appelée à une très haute tâche…
Tout ceci prouve la plénitude de son sens dans un milieu traditionnel. Dans le monde moderne, à l’époque de la dissolution, on ne peut indiquer, dans ce domaine comme dans les autres, qu’une direction essentielle. Nous nous trouvons ici en présence de l’aspect particulier d’une situation qui comporte une alternative et une épreuve.
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