S’il ne s’agit que de décrire, de serrer au plus près
ce qui advient, dans les termes mêmes où cela advient, alors, il faut bien s’y résoudre :
comme on l’a vu, certaines expériences, notamment les expériences extrêmes de
la souffrance ou du malheur, se qualifient précisément parce que trait
d’essence : c’est leur caractère impossible qui fait leur teneur propre.
Elles ne sont pas « jugées », après coup, impossibles, c’est par ce
trait qu’elles se donnent et nous affectent, c’est en lui qu’elles sont
souffertes, elles n’ont d’autre consistance que d’être cette énigmatique
apparition de l’impossible. La question s’impose donc : comment peuvent-elles
apparaître puisque seul peut apparaître ce qui prend place dans un monde, et
que le monde est l’horizon du possible ? La réponse de Blanchot est d’une
parfaite cohérence : si l’impossible doit apparaître — et le fait est
qu’il apparaît, sinon la souffrance, par exemple, ne serait pas ce qu’elle est
— il faut qu’il le fasse hors monde. Il faut que, loin de se détacher sur
l’horizon mondain — pour en retour s’y inscrire, fût-ce en l’élargissant — il
surgisse hors horizon et reflue sur celui-ci pour le faire éclater. C’est cette
rupture du monde que Blanchot nomme le dehors… L’expérience, pour autant
qu’elle soit extrême, fait bien éclater un monde — le monde antérieur, ce qui
jusque-là passait pour monde — mais seulement parce qu’elle témoigne d’un autre
monde, dont elle permet alors l’émergence.
Marlène Zarader : L’Être et le Neutre
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