Le Très-Haut abandonné, il ne saurait inscrire sa trace
sur le visage de l’Autre qui, ainsi, n’est plus marqué par la verticalité.
C’est pourquoi autrui, distinction essentielle opérée par Blanchot, peut être
dit neutre, en même temps que son « extériorité », indice d’infini,
se voit identifiée au dehors. Ce résultat ne saurait étonner : il n’est que
le revers du déplacement accompli plus haut. Si la structure d’altérité, qui
servait à penser le neutre, est appliquée, sans être modifiée, à autrui, ce
dernier se voit en retour reconduit à la neutralité. En évidente opposition à
Levinas, pour qui l’irruption d’autrui est arrachement au neutre, c’est-à-dire
avènement de la signification. Si autrui est au neutre, il ne fait plus sens
par lui-même : il est même, dit Blanchot, aussi « repoussant »
que la mort. Mais cela revient à dire que ce qui est finalement abandonné, c’est
autrui lui-même, dans le sens que ce mot avait pour Levinas, et, sans doute,
dans tout sens possible. Si autrui est à tel point Autre qu’il appartient à la
nuit, est pris dans l’indifférenciation du neutre, participe du sens absent,
demeure proche de la mort, etc., en quoi peut-il être nommé
« autrui » dans la charge éthique de ce nom ? Il est à craindre
que Blanchot, en reprenant à Levinas, la thématique de l’autre homme, n’ait
conservé de celle-ci que sa dépouille, ou son fantôme.
Marlène Zarader : L’Être et le Neutre
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