« La mort brille par son absence »

Bien loin que les images puissent « représenter » les choses, ce sont les choses qui « s’effondrent dans leurs images : elles retournent « au fond indifférent où rien ne s’affirme » et que leur existence comme chose ne masquait qu’imparfaitement. Cela ne signifie pas que la chose, dans l’image, disparaisse ou s’efface ; elle y apparaît au contraire, mais autrement. De même que le dehors est le revers inhabitable du monde, que le neutre est l’envers imprononçable du sens, de même l’image est l’autre côté des choses : ce qui, de la chose, résiste à sa constitution en chose.

L’image réalise cette chose désirable entre toutes : donner des contours à l’informe, faire apparaître l’abîme dans sa limite. « Par elle, nous nous croyons maîtres de l’absence devenue forme, et la nuit compacte elle-même semble s’ouvrir au resplendissement d’une clarté absolue. » Faut-il en conclure qu’elle réussit à dire ce qu’on ne peut pas dire ? Elle y réussit presque en se faisant la pointe incandescente où, pour un instant, quelque chose comme le miracle semble s’accomplir. Mais l’illusion se dissipe aussitôt. D’abord, parce que ce miracle serait aussi bien un désastre. Ensuite, parce qu’il ne peut s’accomplir et que l’image est constamment au bord de l’abîme.

L’image répond certes à l’abîme, elle parle à partir de lui, mais elle ne l’éclaire pas, puisque l’abîme est par essence ce qui n’apparaît pas. S’il apparaissait, il signerait la mort de l’image comme l’apparition d’Eurydice marque la fin du chant d’Orphée.

Marlène Zarader : L’Être et le Neutre


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