Source : Okhrana, la police secrète des Tsars, 1883-1917, par Alexandre Sumpf, éditions du Cerf
« L’ouverture de lettres au hasard fournit une
documentation aussi utile que la surveillance du courrier des militants
qualifiés. Ceux-ci en effet cherchent à correspondre avec prudence, alors que
la seule prudence réelle, le plus souvent impossible, serait de ne pas traiter
par correspondance des choses se rapportant à l’action, fût-ce indirectement,
tandis que le commun des membres du parti, les inconnus, néglige les
précautions les plus élémentaires » écrit Victor Serge en 1925 alors
que le parti unique impose sa loi depuis quatre ans.
Lénine est mort, Trotski est marginalisé, le
révolutionnaire apatride se sait en sursis, ses mémoires et sa correspondance
en attestent. Tout en justifiant les pratiques de la Tcheka au lendemain de la
révolution bolchevique, il signale à son lecteur attentif que la situation
demeure identique : quiconque comprend aujourd’hui d’entrer en dissidence
court le risque de voir se fixer sur lui l’œil des Zybine et des Djounkovski
rouges.
Il avertit ses camarades de France et d’ailleurs, leur
enjoint à l’élémentaire prudence. C’est à ce prix qu’il pense pouvoir continuer
à exprimer son point de vue sur le système soviétique et ses écarts de plus en
plus patents avec la ligne « léniniste. »
Cependant, au fond, il ne se fait guère d’illusions. Il connaît trop bien les dirigeants communistes, il devine instinctivement la puissance de la machine étatique, et sait que la Tcheka est la version professionnelle, moderne, désincarnée et volontairement au-dessus des lois de la police secrète des tsars.
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