Pris sur Public Domain Review. « Notable quantité d’importance nulle » : la fausse monnaie de Victor Dubreuil par Dorinda Evans, traduction de l’anglais par Neûre aguèce, no copyright infringement intended.
En octobre 1893, un journaliste du New York World,
dont l’histoire n’a pas retenu le nom, pénètre dans l’appartement de Victor
Dubreuil, sis sur la quarante-quatrième rue ouest, afin de l’interroger sur ses
dollars en trompe-l’œil. Plusieurs œuvres de Dubreuil avaient attiré l’attention
du public d’un bar de la Septième avenue et lorsque la porte du studio s’ouvrit,
le journaliste se trouva face à face avec un aimable quinquagénaire, mais sans
le sou, et qui partageait sa chambrée avec son jeune « neveu. »
D’après la description du journaliste anonyme,
l’artiste avait une silhouette trapue et penchée, les yeux sombres, une barbe
noire parsemée d’argent. Pour sortir, il portait un chapeau noir à larges
bords. L’article en date du 8 octobre, récemment exhumé, nous présente un
érudit, aux opinions tranchées, doté de multiples talents ; un autre
article du St Louis Dispatch, en date du 14 décembre de la même année,
nous apprend que le neveu était un employé du Tuxedo park et une consultation de
la presse de l’époque vient combler les lacunes d’une biographie longtemps
restée dans l’ombre.
Né à Ayron, près de Poitiers, le 8 novembre 1842, Marie
Victor Théodore Dubreuil, est issu de la classe moyenne. D’après les registres,
son père était propriétaire foncier. Apparemment, Dubreuil se serait enrôlé
comme soldat lorsqu’il avait une vingtaine d’années et il aurait combattu
pendant la seconde guerre franco-mexicaine, puis pendant la guerre de 1870,
avant de s’établir à Paris en tant que directeur d’une banque d’affaires. Le 29
mai 1878, âgé de trente-cinq ans, il se transforme en agitateur socialiste et
co-fonde avec Victor Meunier, La Politique d’action, un journal
politique.
Dubreuil tente également de créer une compagnie
d’import-export révolutionnaire en Afrique. Selon l’interview du New York
World, cette compagnie aurait été « l’équivalent pour la France de ce
que fut la société des Indes Orientales pour l’Angleterre » à la
différence que « c’est l’ouvrier et non le capitaliste qui en aurait
récolté les fruits. »
Pour parvenir à ses fins, Dubreuil aurait alors volé
plus de cinq cents francs à la banque où il travaillait, provoquant sa
faillite. Le 29 octobre 1881, le journal parisien La Revue économique et
financière publia un entrefilet sur la disparition de Dubreuil et le
localisait en Hollande. Selon l’article, un mandat d’arrêt international avait
été émis à son encontre pour faux en écriture et détournement de fonds.
Le 6 juin 1882, Dubreuil arrive à New York, il obtient
la citoyenneté américaine, trouve un emploi provisoire de palefrenier pour le
banquier Théophile Keck. Dans sa cavale, il a abandonné sa femme dont il
divorcera par la suite. Après quatre mois de travail, il apprend la peinture en
autodidacte et produit des natures mordes, des paysages, des scènes de genre et
même des portraits. Il se définit comme « versatile » — qu’il
prononce à la française.
Au cours de ces premiers mois aux États-Unis, il tente
d’améliorer sa condition par de multiples inventions comme un système de
bretelles à poulies, il dépose des brevets et parviendra même à vendre
certaines de ses trouvailles. Lorsqu’il obtient la citoyenneté américaine en
1888, son certificat de naturalisation mentionne simplement
« artiste. »
À l’époque où il accorde son interview au New York
World, Dubreuil est surtout connu pour ses billets en trompe-l’œil comme Take
One — Servez-vous. Il n’était pas le seul à s’illustrer dans ce registre :
William Michael Harnett produisait des imitations au moins depuis 1877, ce qui
suscitait l’admiration des foules et l’intérêt des journalistes. Le reporter
décrit deux œuvres vues dans le Saloon de la Septième avenue.
Le premier, intitulé Barells O’ Money, sans
date, est une cornucopie de barils de chêne, remplis de billets
fraîchement imprimés, surmontés de « pelletées de pièces d’or » et de
bijoux qui ruissellent jusqu’au sol. Le deuxième, une scène d’attaque de
banque, se veut la « clef des aspirations, des déceptions, des joies
et des peines de l’artiste. » En effet, on reconnaît tout de suite
l’événement de sa biographie auquel le tableau fait référence.
Rebaptisé « Pas un geste ! », la
toile, réalisée au cours de la crise économique, est interprétée par le New
York World comme « un avertissement aux capitalistes », ou comme une
sorte de prédiction allégorique sur le système financier international.
L’artiste y figure avec son chapeau à larges bords, en train de braquer un
calibre ; à ses côtés, une « lavandière » au visage dissimulé.
Tous deux font face au spectateur qui se trouve dans la
position de l’employé de banque, derrière son comptoir, dont on devine que la
chaise a basculé en arrière, ne laissant qu’une coupure de journal dépasser de
son bureau. Le registre du comptable est vierge, les comptes non tenus,
l’argent et les billets sont carrément fourrés en vrac dans le tiroir.
Dans ce monde renversé, le portrait de Martha
Washington est visible sur un billet dont s’empare la lavandière ; la
mention « United » suggère ironiquement le chamboulement qui
agite toute la société d’alors... où tout se disloque et le centre ne peut
tenir. La manchette de journal porte le titre The Sport, imprimé à Londres,
en vente pour cinq cents, avec des gros titres comme « République
russe », ce qui dénote une intention satirique. Le millésime 1810 y
apparaît également, date de fondation du journal qui, en fait, n’existe pas.
1810 correspond surtout à l’année où le Mexique, l’Argentine, le Chili, la
Colombie et le Vénézuela se soulevèrent contre le joug espagnol, d’où les mots
imprimés que l’on peut déchiffrer : Salvator, Unidos, Nihil…
Les autres termes lisibles, « Payday »,
ont trait aux courses de chevaux, « divertissement royal » et on lit
également, « Derby », « Chantilly », des toponymes
équestres, en Angleterre et en France. Ces références aux jeux de hasard valent
comme métaphore de la spéculation financière internationale. Le mois et la date
indiquent 21 février 1900, ce qui constitue une référence au Manifeste
du Parti communiste (paru le 21 février 1848) mais peut-être aussi l’espoir
d’une future révolte prolétarienne.
En tout cas, les deux monte-en-l’air ont découvert le
pot aux roses : la banque joue avec l’argent de ses clients et la crise se
répercute sur les damnés de la terre. On peut lire le mot « Révolution »
sous l’intitulé du journal, juste en-dessous de la mention « United
States of America. »
« Pas un geste ! » (1893)
constitue un témoignage de la panique qui frappait les places financières :
la Dépression commença en janvier de la même année.
Le papier-monnaie s’étalonnait alors sur un double
standard métallique et une forte déflation frappait le pays depuis la guerre
civile ; la réserve d’or avait sombré dans le rouge et, pour combler cette
hémorragie, le gouvernement avait cessé d’imprimer des « gold certificate. »
À mesure que la situation empirait, les banques américaines refusèrent
d’encaisser les chèques de leurs propres dépositaires.
Bientôt, les faillites se comptèrent par centaines et
une rumeur se propagea comme quoi la finance anglaise et la côte Est des États-Unis
conspiraient pour contraindre le Congrès à adopter un standard or unique, afin
d’augmenter la valeur de leur propre stock de lingots.
L’économie ne se remettrait pas avant juin 1894 et ce répit
ne serait que de brève durée avant la récession économique, un an plus tard.
Néanmoins, toutes les productions de Dubreuil ne
reposaient pas sur un aussi riche tissu symbolique. La plupart se voulaient des
chromos à vente rapide, qui se moquaient du spectateur par leur hyperréalisme. Ces
trompe-l’œil sont particulièrement efficaces lorsqu’il s’agit de natures mortes,
de banknotes, de pièces de monnaie, ou lorsqu’elles reproduisent la carte de
visite de Grover Cleveland, qui était alors Président des États-Unis. Mais
Dubreuil était bien trop roublard pour se limiter à l’art pour l’art et ce goût
pour l’illusion allait trouver un emploi… nettement moins esthétique !
Le témoignage de William Appelgate nous donne un aperçu
du mésusage de ces œuvres d’art. En septembre 1894, ce jeune comptable comparut
devant la commission sénatoriale de New York chargée d’enquêter sur la
corruption au sein de la police.
Sous serment, Appelgate décrivit les activités de
William Roach, le principal patron de Dubreuil, propriétaire du saloon où
l’artiste vendait ses œuvres. Selon le témoin, Jimmy McNally, un chef de gang
opiomane de Jersey City, s’était installé dans une mansarde au-dessus du saloon.
En janvier 1893, avec la participation d’Appelgate et de Roach, il mit au point
un « attrape-couillon » ou une arnaque au billet vert.
Les victimes prenaient rendez-vous avec Roach pour lui
acheter de faux-billets, soi-disant réalisés à partir de plaques dérobées. Il
suffisait aux malfaiteurs de présenter de vrais billets aux crédules, appâtés
par de l’alcool, en leur faisant croire que c’est ce qu’ils allaient acquérir,
puis de leur refourguer des imitations, par un tour de passe-passe. Une
variante de l’arnaque, plus complexe, recourait à un coffre dont la clef était
faussée afin de retarder au maximum le moment de la découverte. Tout le génie
du montage était que les victimes ne pouvaient aller se plaindre à la police sauf
à se rendre complices de contrefaçon.
« McNally menait grand train et pour lui plaire, déclara
Appelgate à ses juges. Roach avait engagé un artiste qui peignait des murs en
or massif, des capitons de dollars, des billets de toute provenance, à
volonté. Ces trompe-l’œil étaient disposés à des endroits stratégiques pour
impressionner le chaland, en lui faisant miroiter des possibilités de richesse
rapidement acquise. En général, les clients venaient de la campagne et on
leur racontait qu’il y avait pas mal à se faire, du lourd, comme sur les
images. »
Et c’est ainsi que Roach et McNally, fournis par un
mystérieux artiste, inondèrent le marché de leurres, excitant les convoitises
en racontant qu’ils pouvaient produire tant et plus. « Il y avait des
billets partout, suspendus aux murs de l’arrière-boutique et même les
pickpockets du quartiers s’y laissèrent prendre. »
Au cours du procès de la police de New York, le volet
Appelgate n’occupait qu’une place relativement secondaire, mais plusieurs
journaux s’en firent l’écho, au point que l’un d’eux, le New York Herald,
gêna beaucoup Dubreuil, au point qu’il leur demanda un droit de réponse.
En effet, le journal s’était répandu sur l’impact de
l’escroquerie, glosant sur le fait que ces peintures « étaient réalisées
par un vieux monsieur qui peignait des millions sur de mauvaises toiles, le
tout pour une vingtaine de dollars, à peu près. » Offensé, Dubreuil
répondit : « Oui, c’est bien moi l’artiste, mais mes appointements
furent bien plus élevés que la somme mentionnée et jamais, je n’aurais songé
que mes œuvres serviraient de tels desseins criminels. Je suis un artiste
établi de la côte ouest et j’espère bien que par respect envers mon travail,
vous accepterez de publier cette lettre. »
Non content d’exiger un droit de réponse, Dubreuil
réagit à l’attaque en peinture, avec une de ses toiles les plus
« autobiographiques » : L’œil de l’artiste, réalisée
entre 1895 et 1898.
Cette nature morte énigmatique s’inscrit dans le
contexte de l’Affaire Dreyfus, militaire israélite accusé d’avoir été un agent
étranger, au service de l’Allemagne. Récemment, certains critiques crurent
déceler (à tort) des traits de caricature antisémite dans Pas un
geste ! De même, l’œil qui fixe le spectateur à travers deux planches,
au-dessus d’un billet de cinq dollars, à côté d’une enveloppe portant le nom et
l’adresse de Dubreuil, pourrait être une allusion antisémite... mais c’est
aller chercher loin ! Par ailleurs, le titre L’œil de l’artiste ne
provient pas de Dubreuil, pas plus que l’on ne soit sûr qu’il s’agisse de son
œil.
Il faut savoir que Dubreuil travailla pendant plus
d’une décennie à une édition annotée des œuvres de François Rabelais, sur
laquelle « il s’échinait jour et nuit », un casse-tête dont il
s’était ouvert au journaliste du New York World. « Le but est de
présenter cet auteur à mes compatriotes et au reste du monde. »
Quel rapport ? Alcofribas Nasier, alias François
Rabelais, était bien connu pour sa satire en cinq livres, pleine des
truculentes métagrabolisations du géant Gargantua et de son rejeton Pantagruel.
Le médecin humaniste de Meudon s’en prenait aux autorités de son temps, à
l’hypocrisie des mœurs, à la répression de la connaissance et exaltait la
liberté individuelle.
Le « pantagruélisme » était une forme de
charité chrétienne : « Si vous souhaitez vivre en paix, joie, fortune
et santé, toujours avec félicité, alors n’accordez aucune confiance à ces gens
qui vous regardent par un petit trou », allusion à la coule des prêtres
catholiques d’alors qui observaient leurs fidèles par en-dessous. Dès lors, L’œil
dans la planche de Dubreuil pourrait donc tout simplement se moquer des
censeurs de tout poil.
L’enveloppe placardée au centre de l’image nous fournit
de précieux indices. Adressée à Dubreuil, elle porte le filigrane du New
York Herald, ainsi qu'une image délavée d’un immeuble, siège du journal.
Dubreuil a peut-être reçu une telle enveloppe après son courrier exigeant un
droit de réponse. Dans le coin inférieur gauche, figure la mention « Removed » :
Inconnu à cette adresse, manière de dire que le Herald continuait à suivre
l’artiste dans ses déplacements, sous forme de mauvaise réputation.
Poursuivons l’inventaire. Dans le coin inférieur
gauche, figure le nombre 1614. Probablement une référence aux États Généraux,
sous le règne de Louis XIII, lorsque les représentants du clergé, de
l’aristocratie et du tiers état, se réunirent pour faire part de leurs
doléances. Ce furent d’ailleurs les derniers États généraux avant ceux de 1789…
encore une allusion révolutionnaire ?
Le timbre de l’enveloppe renferme le
« chiffre » 152, soit la hauteur en pieds de la Statue de la Liberté,
symbole des libertés américaines, don de la France aux États-Unis, le 4 juillet 1884. Le Président Cleveland
inaugura la Statue à New-York en 1886 et on peut imaginer Dubreuil, quelque
part dans la foule.
Enfin, sur l’enveloppe, on trouve le numéro 1553, date
de la mort de Rabelais, bien en vue, comme une sorte de climax.
Dubreuil répondait cryptiquement au Herald, tout en
cherchant à se mettre du bon côté de la loi, un comme comme Rabelais insistait
sur la caritas évangélique, une vertu aux antipodes de la surveillance
maléfique qu’exprime l’œil qui nous fixe derrière la planche. On peut donc
raisonnablement considérer ce tableau comme le droit de réponse que Dubreuil
n’obtint jamais : une petite vengeance personnelle, où là aussi, Rabelais
s’impose comme modèle, lui qui prétendait écrire « comme un chien ronge un
os, afin d’en absorber la substantifique moelle », c’est-à-dire le sens
caché.
D’autres œuvres de Dubreuil se veulent moins
ésotériques. Ainsi, Safe Money (1898), s’ouvre sur le coffre plein à
craquer d’une compagnie ferroviaire de fiction, la Nord-Sud-Est-Ouest Express,
manière de montrer la scandaleuse accumulation de profits et les dérives
monopolistiques du capital.
Un autre tableau, The Cross of Gold, doit son
titre à un célèbre discours prononcé par le candidat à la présidence William
Jennings Bryan lors de la Convention Démocrate de 1896 à Chicago. Bryan s’en
prenait alors aux millionnaires qui cherchaient à imposer le standard or pour
asseoir la monnaie américaine, aux dépens de la classe moyenne, qui aurait été
mieux servie par le standard argent ou bimétallique. Bryan galvanisa le public
par sa péroraison : « Ne crucifiez pas l’humanité sur une croix en
or ! »
Peu après, parut une caricature de Grant Hamilton dans
le magazine Judge qui montrait Bryan coiffé d’une couronne d’épines et
brandissant une grande croix dorée. La création de Dubreuil diffère de cette
iconographie de manière originale, bien que moins convaincante par rapport à la
caricature de Grant Hamilton. Dubreuil espérait-il une résurrection de
l’infortuné candidat à la présidence ? Assez ironiquement, le visage de
Martha Washington se trouve en bas du crucifix, là où l’iconographie chrétienne
représente la Vierge Marie. En tout cas, l’inscription dans le patibulum
ne laisse aucun doute sur la nature du Dieu dont il est question.
Si l’argent était un lieu commun des natures mortes
new-yorkaises de l’époque, Dubreuil se montra moins prolifique que ses
contemporains. D’autre part, ses billets sont parfois moins bien imités, plus
fantaisistes, comme dans un autre tableau d’attaque de banque Une rude
journée.
Néanmoins, l’aspect corrosif de son oeuvre l’emporte
sur le réalisme pompier de ses corélgionnaires. En 1953, Alfred Frankenstein
fut le premier historien d’art a attirer l’attention sur Dubreuil en signalant
son Pas un geste ! comme « un chef-d’œuvre de brutalité et
d’efficacité. » Bruce Chambers, lui aussi historien d’art, spécialisé dans
les représentations modernes de l’argent, considérait les créations de Dubreuil
comme « les plus singulières de toutes. » Chez l’artiste se
manifestait, malgré les limites de sa façon, une veine sociocritique à nulle
autre pareille.
En 1900, Dubreuil regagna la France où une de ses
inventions — un bateau de secours — était présentée dans la section américaine
de l’Exposition internationale de Paris, dont le catalogue donnait son adresse
à New York. En fait, ce n’était pas la seule raison pour lui de traverser
l’Atlantique : les autorités fédérales américaines le suspectaient
activement de contrefaçon.
En 1897, un agent secret du Trésor américain, chargé de
la répression des contrefacteurs, ordonna l’enlèvement du tableau intitulé Un
baril d’argent, présenté à une exposition new-yorkaise au motif que le
District attorney devait se faire une idée de sa légalité ou non. Près de deux
ans plus tard, un tableau analogue de Dubreuil : « reconnu comme une
œuvre d’art remarquable par de nombreux artistes », fut saisie de la
vitrine d’une échoppe de Boston et expédiée à Washington, au département des
Services secrets, auprès de John « Chief » Wilkie.
Par chance pour les archivistes, Dubreuil a semé des petits
papiers en France. Bien que la récolte soit plutôt maigre, elle contribue à
éclairer sa vie aux États-Unis où, décidément, il n’avait rien d’un cambrioleur
ou d’un voyou, mais plutôt d’un moraliste ou d’un satiriste, qui travaillait
non seulement pour la presse socialiste, mais aussi à son propre compte, contre
la corruption politique et financière.
Pendant la guerre franco-prussienne de 1870, alors
qu’il officiait comme colonel dans l’armée française, Dubreuil aimait déjà à se
distinguer des autres officiers : il suivait son propre code de l’honneur,
refusant d’envoyer ses hommes au combat se faire massacrer lorsque l’équipement
leur manquait. Apparemment, il aurait été rétrogradé, peut-être à sa propre
demande.
Dans sa correspondance, il affirme n’avoir été
« le courtier de personne. » S’il lui arriva de dérober l’argent
d’une banque, ce n’était pas qu’à des fins égoïstes, mais au motif
d’ambitions don quichotesques. Sans doute y avait-il une part de vérité
lorsqu’il se plaignait auprès d’un journaliste de Tribune d’avoir
« été ruiné par les capitalistes alors qu’il avait toujours fait preuve
d’honnêteté en affaires. »
Dubreuil continua à peindre en France, mais, pour ce
que nous en savons, son œuvre manifesta alors moins d’originalité que dans ses
toiles new-yorkaises et la veine s’épuisa rapidement, sans doute avec sa mort,
aux alentours de 1900, dernière date où on enregistre sa trace, à Paris.
Artiste cryptique, s’exprimant de manière oblique, ses toiles provoquent le spectateur et exigent de lui un décodage qui n’a pas encore livré tous ses secrets ; en fin de compte, il s’agit probablement, d'une vérité morale — une vanité.
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