Ill. : L’Île des Morts par la regrettée Keleck. Source : Révolte contre le monde moderne, par Julius Evola, éditions de L’Âge d’Homme, collection Bibliothèque L’Âge d’Homme, relecture en cours.
Dans la tradition nordique, l’idée du
« mont », y compris au sens matériel, par exemple le Helgafell et le
Krossolhar islandais, est souvent associée au Walhalla, la demeure des héros et
des rois divinisés, ainsi qu’à l’Asgard, l’habitat des dieux ou Ases, situé au
« centre » ou au « pôle » de la terre (dans le
Midgard) ; Asgard est qualifiée de « resplendissante », glitnir,
ou « terre sacrée », helakt land, mais aussi, précisément, de
« montagne céleste », himinbjorg : mont divin très élevé
sur la cime duquel, par-delà les nuées, brille une clarté éternelle, où Odin,
depuis Hlidskjalf, le seuil de la demeure divine, surveille le monde entier.
C’était à Asgard que les rois divins nordico-germaniques rapportaient, de
manière significative, leur origine et leur résidence primordiale.
On peut indiquer comme thème complémentaire celui du
« mont » en tant que lieu où disparaissent les êtres parvenus à
l’éveil spirituel ; tel est, par exemple, le Mont du Voyant, dans le
bouddhisme des origines, mont dont les habitants souterrains sont appelés
« surhommes », êtres invaincus et intacts, s’étant éveillés par
eux-mêmes, libérés des liens. Or, ce thème interfère avec l’idée royale et
impériale. Il suffit de rappeler les célèbres légendes médiévales selon
lesquelles Charlemagne, Frédéric Barberousse et Frédéric II disparurent dans un
mont d’où un jour, ils sortiront pour se re-manifester. Mais cette résidence
montagneuse, « souterraine », n’est qu’une image de la demeure
mystérieuse du « Roi du Monde » qu’une expression de l’idée de
« centre suprême. »
Selon les plus anciennes croyances grecques, les héros arrachés à la mort ne vont pas seulement dans un mont, mais dans une île, dont le nom qu’elle porte parfois, Leuké, correspond avant tout à l’île blanche du nord, laquelle est pareillement dans la tradition hindoue, l’habitat symbolique des bienheureux et la terre des Vivants, terre où règne Narayâna, qui est « splendeur et feu. »
Il est aussi question d’une autre île légendaire dans certaines traditions extrêmes orientales, île où se dresse un « mont » qui est habitée par des « hommes transcendants », tchen-jen, où des princes qui, comme Yu, avaient l’illusion de pouvoir bien gouverner, durent se rendre pour apprendre en fait l’art du vrai gouvernement. « On ne se rend ni par mer ni par terre, mais seulement par le vol de l’esprit » dans de telles régions merveilleuses : allusion très importante. Quoi qu’il en soit, l’île en elle-même, se présente déjà comme un symbole de stabilité, celui de la terre ferme, détachée au milieu des eaux.
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