Agent d'influence

 

Source : Révolte contre le monde moderne, par Julius Evola, éditions de L’Âge d’Homme, collection Bibliothèque L’Âge d’Homme, relecture en cours.

[Note : cet essai renferme une influence steinérienne (ou blavastkienne), comme le prouve le passage ci-dessous. Par ailleurs, Evola reprend la typologie luciférienne/ahrimanienne de l’anthroposophie.]

Aux origines, les frontières entre Moi et non-Moi étaient potentiellement mouvantes et instables, telles qu’elles pouvaient, dans certains cas, être partiellement abolies, avec comme conséquences deux possibilités : des irruptions du non-Moi (à savoir de la « nature » entendue selon ses forces élémentaires et son psychisme) dans le Moi, des irruptions du Moi dans le non-Moi. La première possibilité permet de comprendre ce que des recherches sur des coutumes où se sont conservés des restes stéréotypés des états dot nous parlons, ont appelé « les dangers de l’âme. » Il s’agit de l’idée que l’unité et l’autonomie de la personne peuvent être menacées et lésées par des phénomènes de possession et de hantise ; d’où l’existence de rites et institutions ayant pour but la défense spirituelle de l’individu ou de la collectivité, la confirmation de l’indépendance et de la souveraineté du Moi et de ses structures.

La seconde possibilité, celle d’une abolition des frontières à cause d’irruptions dans le sens opposé, à savoir du Moi dans le non-Moi, formait le présupposé général de l’efficacité d’une classe de procédés de caractère magique au sens strict. Les deux possibilités ayant le même fondement, les avantages de la seconde avaient comme contrepartie les risques existentiels dérivant de la première. On peut avancer qu’au cours des derniers siècles, par suite de la « solidification » progressive du Moi, les deux possibilités ont disparu, si l’on excepte les résidus sporadiques, marginaux et insignifiants. Quant aux « dangers de l’âme », l’homme moderne qui se vante d’être devenu enfin libre et éclairé, et qui se moque de tout ce qui dérivait, dans l’Antiquité traditionnelle, de ce rapport différent entre Moi et non-Moi, cet homme s’illusionne beaucoup en croyant être à l’abri.

Les dangers en question ont seulement revêtu une autre forme, qui interdit en quelque sorte de les reconnaître pour ce qu’ils sont : l’homme moderne est ouvert aux complexes de « l’inconscient collectif », à des courants émotionnels et irrationnels, à des suggestions de masse et à des idéologies, dont les conséquences sont bien plus calamiteuses et déplorables que celles, véritables à d’autres époques, et dues à d’autres influences.

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