« Une échelle, vite, une échelle »

 

Source : Ésotérisme guénonien et mystère chrétien par Jean Borella, éditions L’Âge d’Homme, collection Delphica.

La lettre « extériorise » tandis que l’esprit « intériorise », et l’extérieur n’est pas l’intérieur, mais la frontière entre les deux domaines se déplace en fonction du devenir spirituel de l’âme et des transformations de son regard herméneutique, quand, avançant dans cette science de l’esprit que figure l’échelle de Jacob, elle accède à un nouveau degré de cette science et qu’elle se ressouvient du degré précédent : si « intérieure » qu’elle parût, la connaissance qu’on vient de dépasser se révèle maintenant comme relativement « extérieure » au regard de celle où Dieu nous conduit.

Il y a à la fois la différence de nature entre l’ésotérisme et l’exotérisme quant aux principes qui les déterminent, et différence de degré seulement quant au devenir de l’être humain qui suit la voie sacrée qu’a tracée la révélation. Pas plus que dans l’ordre naturel, on ne rencontre dans l’ordre surnaturel de discontinuité absolue. Ou plutôt, c’est du point de vue inférieur que le degré supérieur peut apparaître comme radicalement autre et même inaccessible, voire inexistant : en tout cas, ignoré dans sa véritable nature. Mais du point de vue du degré supérieur, le degré inférieur apparaît pour ce qu’il est : une étape sur l’échelle qui joint le Ciel à la terre ; car tout dépassement véritable intègre ce qu’il dépasse sans le détruire.

En même temps, et par une conséquence qui n’est paradoxale qu’en apparence, c’est seulement alors, et du point de vue de l’ésotérisme que se dévoile explicitement la nature exotérique du degré qu’on vient de dépasser. Il n’y a donc d’exotérisme qu’au regard de l’ésotérisme. Pour l’exotériste, il n’y a que la révélation manifeste ou plutôt, être exotériste, c’est précisément croire qu’il n’y a pas d’ésotérisme, c’est-à-dire, puisque l’exotériste s’ignore comme tel, sauf exception, croire qu’il n’y a, dans la religion, que ce qu’on voit et conçoit. On pourrait soutenir, en forçant quelque peu le trait, que l’exotériste ne croit que ce qu’il voit tandis que l’ésotériste ne voit que ce qu’il croit. D’une certaine manière, l’ésotériste, c’est l’exotériste conscient.

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