Pourquoi ne pas considérer que la règle fondamentale
est celle du mal, et que n’importe quel événement heureux le remet en
question ? Le véritable optimiste n’est-il pas de considérer le monde
comme un événement fondamentalement négatif, avec de multiples exceptions heureuses ?
Le véritable pessimiste n’est-il pas au contraire de considérer le monde comme
fondamentalement bon, mais que le moindre accident vient désespérer ? Un
univers idéal, à la merci du moindre revers et voué à la mort de toute
façon ? Et la véritable superstition n’est-elle pas de considérer le mal
comme une exception qui devrait disparaître ? Aujourd’hui, nous jugeons de
toutes choses par rapport à un enchaînement réel et rationnel, mais on pourrait
avec autant de force et de raison se référer à un enchaînement irrationnel. Il
suffit de renverser la perspective et de se référer à une transcendance
maléfique plutôt qu’à une instance providentielle. On serait moins désespéré si
on pensait que chaque malheur se justifiait par rapport à un ordre
transcendantal du mal.
Jean Baudrillard : Cool Memories III
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